07 mai 2018

La Libération du IV C


La libération du IV C



Achtung, achtung, eine luftlage meldung starke kampfverbäude uber West-Deutschland in anflug nach Böhmen (Attention, attention, communiqué de la Luftwaffe, d'importantes formations de combat contre l'Allemagne de l'Ouest en vol vers la Bohême)


Pendant des jours, des semaines, cette litanie est entendue chaque matin des hauts-parleurs de l'Hydrierwerk (Kommando 459). Mais, lorsque le hurlement strident des sirènes se fait entendre, c'est le ruch vers les bunkers, le sprint vers les mines de Tschausch... jusqu'au signal bienheureux de fin d'alerte ou de bombardement.

Quand PASCAUD, homme de confiance principal du IV C, apprend que troupes russes et soldats américains ont fait jonction près de Torgau, fin avril 1945, il demande à l'Oberst Lorenz l'évacuation du Stalag et de remettre l'ensemble des hommes, par anticipation, aux mains des autorités américaines. Il considère en effet, à cette date, que la Wehrmacht est dans l'impossibilité matérielle d'assurer la subsistance et la sécurité dans des conditions suffisantes (d'autant qu'entre 20 et 30.000 P.G. provenant d'autres Stalags se trouvent sur le "territoire" du IV C). Il essuie un refus !

Le 7 mai, les Américains sont signalés à Komotau et, en soirée, les premiers obus tombent sur Wistritz, Teplice et leur région. La capitulation est proche ! Les Allemands envisagent, enfin, l'évacuation du camp principal pour le lendemain matin, 8 mai ...
Il est trop tard, les Soviétiques sont aux portes du camp ! Les routes sont encombrées, le danger partout, puisque les troupes allemandes, en déroute, se font mitrailler sans arrêt par l'aviation alliée.
Cet ordre d'évacuation, et la libération soudaine des Kommando, va mettre sur les routes des milliers de prisonniers de toutes nationalités et les exposer aux tirs que se livrent à terre chars russes et allemands sans compter les mitraillages de l'aviation. 
Alors que la guerre est terminée en France depuis plusieurs mois, elle n'a jamais été aussi proche des prisonniers du IV C depuis le printemps 40.

Dans les Kommando, chacun s'affaire à récupérer son maigre bien et se prépare à passer sa dernière nuit de captif. C'est le cas de mon père, Joseph PINÇON, de l'A.K. d'Hansastraße à Teplitz, qui se lève dès trois heures du matin dans le but de rejoindre, avec ses copains, les lignes américaines les plus proches.

Avant de déserter le IV C, Lorenz et ses hommes, ont brûlé leurs archives dans la nuit.

Le 8 mai, Robert BRÉGEON est réveillé par un brouhaha monstre au camp d'Oberleutensdorf. Un "lève-tôt", revenu à la baraque, a lancé à la cantonade "Les Chleuhs sont barrés". En moins d'une demi-heure, les prisonniers sont sur la route, chargés de leur barda, parlant fort, serrant les mains de Tchèques venus vers eux. Ivres de joie, tous "volent" désormais en pleine liberté... 

À quelques kilomètres de là, Charlemagne MIDAVAINE prend le temps de faire un gâteau. Il tient ainsi la promesse faite à trois copains pour "le jour de la délivrance". Et, c'est avec ses trois camarades d'infortune, et le fameux gâteau, qu'il quitte son Kommando sous les tirs d'artillerie qui se multiplient autour de la vallée.

En arrivant en ville, les nouveaux Hommes Libres voient déjà des Tchèques occupés à changer les poteaux indicateurs : Brüx est redevenue Most ...

Des colonnes de "libérés" s'étendent sur les routes et se dirigent vers l'Ouest. Dans le sens contraire, c'est l'exode du peuple Sudète et de soldats allemands... ayant quitté l'uniforme.
"Des fusils et des cartouchières gisaient dans les fossés et de petits insignes à croix gammée se ramassaient à la pelle" écrira Robert Brégeon.

À 12h30, l'aviation russe bombarde Most et, moins d'une demi-heure plus tard, une bataille entre chars russes et tanks allemands se déroule sous les yeux de mon père. Dans son carnet, il notera plus tard, la mort de plusieurs camarades, partis comme lui vers la Liberté et fauchés sur la route du retour...

Marcel LAVERGE était au Kommando de Dux IV, cinéma Kino Swan, le 8 mai. La veille, il a refusé l'ordre d'évacuation avec ses vingt autres camarades de Lindau. Il accueille donc des troupes russes entre 12 et 13h. Mais, auparavant, il a juste eu le temps de recueillir et de désarmer un "Malgré-Nous", soldat alsacien de la Wehrmacht en déroute, et de l'habiller en prisonnier français ; il le sauve d'une mort presque certaine.

Dans une lettre, écrite deux ans après son retour, Émilien H. du Kommando de Sporitz (district de Komotau) se confie. Il écrit : " Avant de partir, trois Chleuhs sont passés par les armes par les gars du maquis, les Tchécos. J'ai été les chercher chez eux et j'espère avoir fait du bon travail avant de quitter la Bochie".

Après des dizaines de kilomètres de marche en direction de l'Ouest, Jean OBLIN remarque un ancien prisonnier, épuisé, au bord de la route. Pâle, il regarde avec tristesse passer ses compagnons et dit en balbutiant "J'ai Faim". Oblin lui tend une poignée de biscuits et voit alors revivre ses yeux. D'une voix fatiguée, l'inconnu dit tout simplement "Tu me donnes là un royaume".

Sources : carnet de Charlemagne Midavaine, lettres de la succession Pascaud, exemplaires du Lien - "Les Échos du IV C",  documentation personnelle   

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