Aux victimes du bombardement de Brüx du 12 mai 1944
Vous aviez comme nous longuement attendu,
Vers des cieux moins grisaille étaient vos cœurs tendus,
Ô frères malheureux, dans la mort étendus !
Vous aviez, comme nous, là-bas, votre village,
Usine, échope, étal, bureau, riant cottage...
Et ces lointains aimés vous soufflaient le courage.
Vous chérissiez souvent les évoquer, le soir,
Quand, néfaste rôdeur, planait le désespoir...
Déjà des bras s'ouvraient pour vous y recevoir !
Bras de vieilles mamans, sur le seuil avancées,
Bras de gosses grandis, bras blancs de fiancées,
Bras d'épouses enfin, aux fidèles pensées.
Lorsque le camp dormait en écoutant leurs voix,
Il vous est arrivé de connaitre les lois
D'un destin douloureux ... et de pleurer parfois ...
Mais, un jour, c'est l'enfer ! Mon Dieu quelle hécatombe !
Le ciel laisse échapper des chapelets de bombes,
Le feu, le fer et l'eau viennent fermer vos tombes...
Ce sont membres épars et crânes pourfendus,
Lambeaux humains noircis aux poutres suspendus...
Ah ! déchirants adieux qu'on n'a pas entendus !
Dans ce tohi-bohu, ce sont en toutes langues
Des cris mourants jetés par des bouches exsangues ...
Dernier sursaut de l'âme au sortir de sa gangue ...
Et, tandis qu'aveuglé, dans ce fumant décor,
L'ami venu trop tard recueille votre corps,
Là-bas, l'être adoré veut espérer encor...
Mes frères, est-il vrai, qu'un simple mot : "Patrie"
Demande tant de pleurs et tant de chair meurtrie ?
Près de vos humbles croix, je m'agenouille et prie ...
Henri GIRAUD, mle 51.897/IV B
Schimberg (Komotau), mai 1944
("Le Lien" extrait du n° 171 de mai-juin 1974)
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RESPECT
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