09 décembre 2013

Réflexion et condamnation ...

   Le texte ci-dessous écrit par un ancien du IV C a été publié
en 1968 suite à l'invasion de la Tchécoslovaquie...

Bruits de bottes...

   Août 1938 : les bottes allemandes piétinent devant la frontière de Tchécoslovaquie.


Arrivée des troupes allemandes à Teplitz en 1938

   Août 1968 : les bottes russes piétinent le sol tchécoslovaque, écrasant les espoirs de liberté de tout un peuple.

   Dès que fut connue l'intervention des troupes étrangères, la Fédération Nationale des Anciens Combattants Prisonniers de Guerre (F.N.A.C.P.G.) a adressé au maréchal Timochenko, président du comité des Anciens Combattants Soviétiques, une lettre pour lui faire part de l'émotion ressentie par les anciens combattants prisonniers de guerre français devant un recours à la force contraire aux buts et principes de l' O.N.U.

   Quant à l'Amicale du stalag IV C, groupe apolitique, elle n'entend pas engager de polémique ni participer à une croisade mais il ne lui est pas possible de garder un silence qui ressemblerait à de la lâcheté.

   Libérés par l'Armée Rouge, le 08 mai 1945 en même temps que la Tchécoslovaquie, les prisonniers de guerre français du stalag IV C, n'oublient pas les cinq années passées au coude à coude avec le peuple tchèque occupé. Ils n'oublient pas que l'épreuve commune a été scellée à Brüx-Hydrierwerk, dans le sang des peuples opprimés par les nazis.

   Ainsi la nouvelle invasion de la Tchécoslovaquie a été menée cette fois par les fils de ceux qui la libérèrent le 08 mai 1945.

   En ce jour qui marque le cinquantenaire de la proclamation de la Tchécoslovaquie indépendante, nous nous devons de témoigner de notre attachement profond au peuple tchèque aux prises avec des évènements tragiques et déchirants.


Prague 1968 :  les habitants entourent les chars
russes 
devant le bâtiment de la T.V. tchécoslovaque.
(photo : Libor Hajsky, agence Reuters)

   Mais ainsi que le rappelait ce soir Radio-Prague, comme l'a montré l'histoire, les nations tchèque et slovaque n'ont jamais renoncé à la vie.

   Tôt ou tard, selon la pensée du père de la Tchécoslovaquie, Thomas Masaryk, "Pravda Vitézi" (la vérité vaincra).

R. HEUGUEROT, ex 37894/ .. - ancien de Brüx-Hydrierwerk, Oberleutensdorf, Niederleutensdorf

Sources : Le Lien - éditions des Échos du IV C - n° 123 - octobre/novembre 1968  

Depuis, le Mur est tombé ... Vive la Liberté des Peuples ! 

08 décembre 2013

Je suis un évadé du IV C

Je suis un évadé du IV C


   Aussig était, comme beaucoup de camarades le savent, un centre très fréquenté par les K.G. Il y avait là nombre de lieux de séjours aux noms gracieux : Borax, Schicht, etc. ; on avait choisi pour moi Schicht. Vous savez cette usine à capitaux anglais qui fabriquait des matières premières volées en France et ailleurs, de la margarine et des tracteurs, du dentifrice ou du miel, du savon à barbe ou du cidre, - et j'en oublie.
   La vie y était pleine de distractions, dont la principale était le déchargement du charbon "pendant les heures de repos". C'est pourquoi, vexé du procédé, je décidai d'aller voir en France si la vie y était aussi déplaisante qu'on nous l'avait fait entendre.

   C'est alors qu'en allant à l'hôpital (un jour à ne rien faire ...), je rencontrai Raymond BLACHE, comme moi ancien de Brüx, et qui mijotait, lui aussi, une seconde petite fugue. Pourquoi ne pas essayer ensemble ?
   Il ne restait plus qu'à fixer la date. La lecture des journaux nazis ne nous procurait pas à cette époque (décembre 1941) de gros plaisirs. C'est cependant sur l'un deux que je pus lire que les voyages étaient interdits aux civils du 20 décembre au 04 janvier. Ce qui nous incita à profiter de la foule inévitable et à fixer le départ au 18. Ainsi nous réaliserions ce que nous avions rêvé, être pour Noël en France.

   Dirai-je un mot des défroques endossées pour le voyage ? BLACHE avait un pantalon zazou zazou et des chaussures réglementaires, une veste civile ma foi assez propre et un ciré noir reçu dans un colis. Quant à moi, un pantalon de toile noire "emprunté dans une armoire de Luftschutz", des chaussures très bien mais un peu petites..., un blouson anglais teint par mes soins (ce qui fait que, bleu au départ, il était vert à l'arrivée) et un ciré tout à fait croquignolet, qui fut, lui, emprunté à un cocher de l'usine.
   Voilà pour les costumes et les décors ! Les fonds je les avais depuis Brüx. Obtenus par quelques trafic de cigarettes, chemises, tickets de soupe, dessins et autres ...

  Vint donc le grand jour. Nous nous étions donné rendez-vous sous un pont le long de l'Elbe. Neige ..., froid ..., c'était vraiment à vous encourager de délaisser ce pays.
   Je m'habillai, enfilai ma capote et sortis un peu plus tôt que d'habitude, accompagné de mon camarade FERRAIL. Nous devions traverser une rue pour rallier notre lieu de travail. Les werkschutz se chauffaient à l'intérieur. FERRAIL traversa... avec ma capote sur le dos et moi je tournai le dos à l'usine. J'avais un rendez-vous avec une charmante jeune femme tchèque, afin de lui faire mes adieux. Échange de photos, promesses d'écrire ou de revenir (ça c'était encore possible ...) et ma foi nous promenant ainsi je faillis oublier l'heure. J'arrivai essoufflé au lieu de rendez-vous, juste à temps pour voir BLACHE qui s'éloignait. Il n'était pas content mais je dois reconnaître qu'il y avait de quoi. Bref, après nous être inspectés des pieds à la tête et nous être reconnue l'allure d'authentiques Chleuhs, il fallut user l'heure qui nous restait avant le départ du train. Blague dans le coin, le train était à 08h47. Le jour se levait lorsque vers 08h40 nous entrâmes en gare. Guichet : 2, aller Stuttgart, aucune difficulté. 08h44, nous fonçons sur le quai un "schwartz-weiss" à la bouche, parmi les schupos, werkschutz, S.S. et autres animaux (il y avait des civils... pas beaucoup, mais il y en avait). Le train était à l'heure (l'horaire n'était pas encore supervisé par la R.A.F. ni par la S.N.C.F.). Ça nous rappelait déjà un peu Paris... le métro vers midi. Nous étions coincés entre la porte des w.c. et un groupe de trois polizei qui en échangeaient de bien bonnes en riant à gorge déployées (ils ne se tapaient pas sur les cuisses simplement parce qu'il n'y avait pas de place).

   Naturellement aussi, chaque fois qu'un voyageur éprouvait le besoin de se rendre aux w.c. c'était un échange de politesse, je m'en tirais encore. Quant à BLACHE il s'en tirait ma foi très bien aussi en répondant "ya ya" à tout. Nous n'osions pas sortir ostensiblement nos vivres. En effet, BLACHE avait fourni deux flasques de liqueur (usine), un autre camarade des barres de sucre et le chocolat des colis. Ç'aurait pu paraître suspect et contraster un peu violemment avec les tartines jumelées nazionales.

   Bref, nous arrivons à Eger. Nous devions changer. Chance, le train était sur l'autre voie du quai où nous arrivions. Foule, foule avec un peu de femmes, un petit peu moins d'uniformes. Au moment où nous allions nous embarquer, et comme, avec la galanterie qui nous est naturelle (hum...) nous laissions passer deux jolies filles vêtues de l'uniforme de "l'arbeisdienst", l'une d'elles nous demande un simple renseignement. Je répondis poliment. Et nous voici dans le train... juste devant le compartiment réservé au contrôle... et à côté de nos deux filles en uniforme.

   Après un moment, l'une d'elles commença à s'agiter, laissant tomber son mouchoir ou émettant des réflexions sur la chaleur ou le paysage, réflexions qui attendaient une réponse... Prudence, prudence. Nous ne bronchions pas. Mais ce que femme veut...
Au cours d'une attaque directe je dus engager la conversation. Cette douce enfant m'ayant alors confié qu'elle parlait l'allemand avec un accent car elle était française, je ne pus moins faire que lui dire, après avoir été successivement allemand puis tchèque, que nous étions travailleurs français. Quelle bombe atomique avais-je lâché... Une rafale de baisers, un tir de harcèlement de sourires, et des cris à ameuter tout le wagon. "Ah, vous êtes français ... c'est merveilleux, etc.". Ce n'était pas très rassurant. Aussi, lui glissai-je à l'oreille qu'un peu de discrétion nous arrangerait bien car nous étions de vulgaires K.G. en rupture de barbelés. Alors ce fut du délire et les deux petites nous remorquèrent jusqu'à leur compartiment où se trouvaient une de leurs amies et un Alsacien. Là, ces amis inespérés nous donnèrent cigarettes, tickets de pain, argent ... et la route la plus courte pour aller jusqu'à Stuttgart, malgré les 35 minutes de retard du train de 08h47. Il nous restait 7 minutes pour reprendre les billets et revenir prendre notre train. Nous ne connaissions pas la gare. Ce fut nos deux jeunes filles qui le firent pour nous et n'acceptèrent pas que nous leur remboursions les billets. Re-train dans le même compartiment. Le voyage fut charmant jusqu'à Strasbourg. Strasbourg déjà la France, un peu, car pour nous Strasbourg était française comme l'Alsace et la Lorraine. Les jeunes Alsaciennes qui étaient avec nous ne nous l'avaient-elles pas prouvé ? Cependant nous devions nous quitter et continuer notre voyage sur les boggies des wagons jusqu'à Nancy. Manque de chance ou au contraire chance inespérée, des policiers passent avec des lampes et des chiens et inspectent les boggies, nous refluons au buffet où nous retrouvons nos amis alsaciens. Il est minuit. Interdit de sortir de la gare. Prochain train pour Mulhouse où veulent nous emmener nos guides, 06h... 06 heures à attendre en gare. Dangereux et nous le savons. Là encore je n'ose citer les noms de nos amies, nous les remercions de tout notre coeur pour leur courage et leur esprit d'initiative. Elles ne nous avaient pas caché que les S.S. feraient certainement une ronde, et elles nous dirent de nous coucher sur la banquette de la salle d'attente et quoiqu'il arrive de faire semblant de dormir. Vers 03h, les S.S. font leur apparition : "papiers". Notre groupe fut le dernier. Nos amies étaient allongées presque complètement sur nous. Elles présentèrent leurs papiers aux S.S. (je rappelle qu'elles étaient en uniforme), puis plaisantèrent avec eux pendant... je ne sais mais cela nous parut terriblement long. Et les S.S. partirent sans rien nous demander...


   A 06h, nous reprenions nos billets pour Mulhouse où nous arrivions vers 11h et l'une de nos amies nous emmenait chez elle, nous faisait coucher dans son propre lit. Combien de temps avons nous dormi ? Je l'ignore, très peu sans doute. Notre amie vint nous réveiller doucement, nous fit habiller et nous embrasse en nous souhaitant bonne chance. Son frère nous attendait. Il nous emmena dans les locaux d'une administration allemande de la ville où des gens charmants nous reçurent sous la photo d'Adolf. Puis nouveau départ, sous la conduite d'un honorable fonctionnaire nazi (avec l'insigne), le lieutenant français W. qui lui aussi nous emmena chez lui où un repos comme nous n'en avions pas fait depuis longtemps nous attendait. Il nous donna deux passe-montagne et nous accompagna à un hôtel (réquisitionné par la Wehrmarcht) où nous eûmes la surprise de retrouver quatre autres K.G. qui attendaient là, le soir favorable pour passer la frontière. L'un d'entre eux était je crois aussi du IV C : PACHEL, anciennement à l'Oeuvre. Quelle atmosphère... quelle joie ... Deux jeunes gens de 17 à 19 ans, un jeune homme et une jeune fille blonde comme les blés et charmante devaient nous "passer". Là, les six évadés furent tant bien que mal habillés un peu plus décemment, pourvus de cigarettes, de confortables sandwichs et même d'argent français. J'insiste sur le fait que rien ne nous fut demandé en échange. Tous nous laissâmes avec reconnaissance les marks qui nous restaient.

   Le soir même, départ - alerte à la gare, rafle, demi tour rapide, nouveau départ, train ouvrier (des mineurs je crois, il faisait noir comme en un four), nous descendons à Masevaux (ex Masmünster). De là, notre groupe - nous sommes huit - doit gagner le cimetière et attendre le passage de la patrouille. Au détour d'un chemin une voiture surgit tous phares allumés. Huit plongeons dans l'obscurité. Mon nez rencontre des barbelés et en portera la marque longtemps. Nous atteignons le cimetière et là, assis sur les tombes (cela créé tout de suite l'atmosphère) nous dûmes rester immobiles pendant deux ou trois heures. Je crois que jamais je n'ai eu aussi froid de ma vie. Lorsque le signal du départ fut donné nous pouvions à peine nous lever. En file indienne nos guides en avant (et moi le dernier par habitude) nous avancions dans un terrain gelé, traversant des bois où la moindre brindille claquait sous les pas avec un bruit qui nous semblait infernal. Puis ce fut un marais gelé, la glace craquait et nous nous retrouvions les pieds dans l'eau glacée mais la croûte de la glace à hauteur du genou. Les pantalons retroussés jusqu'où l'on pouvait. J'imagine que notre caravane devait avoir une allure certaine.

   Vers 02h, notre jeune guide vient vers moi et me dit "Cette fois, je crois que c'est fini, nous sommes passés". Une demi-heure plus tard nous nous glissions dans une cave de Rougemont en France ... occupée.
   Jusqu'au matin nos guides restèrent avec nous et nous donnèrent les dernières instructions. J'admire encore le cran de ces jeunes gens, de cette jeune fille en particulier. J'ai malheureusement eu le chagrin d'apprendre qu'ils furent dénoncés et fusillés par les Allemands en 43.
   Quant au lieutenant W. "grillé" il put rejoindre la France. J'ai su qu'il commandait une compagnie dans le maquis de Haute-Savoie et j'ai perdu sa trace depuis.
   Je n'ai pas de nouvelles de nos deux amies alsaciennes, mais j'espère en obtenir.

   De Rougemont nous prîmes le car le lendemain à 06h pour Belfort où une chambre et une table bien garnie nous attendaient.
L'après-midi, train pour Besançon. Arrivée à Besançon vers 06h. Trois d'entre-nous dont PACHEL avaient manqué le train (la soif en était la cause). Je me proposai à Besançon pour aller les attendre à la gare. Je fonce, je ne trouve qu'un groupe de feldgendarmerie qui tient absolument à voir mes papiers. Puisque je n'en ai pas, je prends un départ de 100 m de grand style et je retourne au lieu de rendez-vous avec mes deux camarades - dont BLACHE - : personne. En désespoir de cause, je déambule dans Besançon, je rentre dans des cafés remplis de felgrau et de fumée. J'en ressors aussitôt. Et c'est en ressortant d'un de ces cafés qu'un gentleman en vert avec un joli collier de vache sur la poitrine et une lampe à la main me prend par le bras en braillant "papiers". J'ai aussitôt pensé : "Je suis fait !". Non pas encore, car le "frisé" se retourna pour arrêter une autre personne et ... j'ai de nouveau joué les sprinters. Je pense qu'il est regrettable que les circonstances ne se soient pas prêtées à un chronométrage honnête car ce soir là j'ai dû battre bien des records.
   La ligne d'arrivée fut pour moi un café. Je rentrai, m'affalai sur une chaise en demandant un marc. Aussitôt on me servit un diabolo menthe (encore du vert !). La patronne de ce café me regardait avec insistance et je commençais à sentir ma cravate me gêner, lorsqu'elle me fit signe de la rejoindre dans l'arrière salle. Elle avait deviné (oh sans mal) que j'étais un évadé et se mit à ma disposition pour me faire loger chez un de ses amis. C'est ainsi qu'une demi- heure après j'étais à la table d'un boulanger de Besançon qui me traita royalement et me logea pour la nuit. Mais de mes camarades, pas de trace. Je résolus de passer seul et le lendemain, un dimanche, je partis à pied (malgré mes pieds en sang à cause des chaussures trop petites) pour faire les 40 km qui me séparaient de la ligne, lesté je dois le dire d'un respectable casse-croûte.

   Mais après 25 km je ne pouvais plus avancer, je m'arrêtai dans un village, frappai à une porte. C'était ... celle du frère du passeur qui devait prendre mes camarades à Besançon. De plus, je tombai au milieu d'un baptême et je dus aussitôt me mettre à table, manger, boire etc.. Ensuite, dans une voiture "allemande" nous sommes partis danser à 10 km de là... huit dans une 202 ;  c'est un des moments de mon évasion où j'ai eu le plus la frousse.

   Ces braves gens me soignèrent pendant quatre jours comme un coq en pâte et le matin du 5ème jour me mirent dans le train... où je retrouvai mes cinq camarades. Le reste est sans histoire. Nous passâmes la ligne sans encombre. Le passeur nous paya le champagne à l'arrivée. Nous sautions comme des fous, en hurlant sur la route, la route de la France libre ...

                                                     

   En relisant j'éprouve cependant le besoin de dire encore un mot : l'accueil que nous avons trouvé tant en Alsace qu'en zone interdite (Belfort - Besançon) fut admirable et nous fit verser des larmes de reconnaissance. Le souvenir de cet accueil reste pour nous impérissable.
   Par contre, d
ès l'instant où notre but fut atteint, c'est à dire la France dite libre, l'accueil peut se résumer en une formule brève mais exacte. La voici : partout, et particulièrement les administrations, bureaux, l'armée, etc. (et même les particuliers), partout nous lisions clairement la pensée des gens, lorsqu'elle n'était pas exprimée plus ou moins explicitement : "des bouches inutiles, ils auraient mieux fait de rester où ils étaient ...".

C'est tout !

Paris, décembre 1945

Texte de Jack CHABOUDEZ

Cet épisode d'évasion écrit par l'auteur et adressé à l'Amicale du IV C a été publié (en partie seulement) dans le numéro 2 des Échos du IV C de mars 1946.

Découvert dans les archives d' Élie-Jean PASCAUD il est publié ici dans son intégralité.

Dessins de R. Crémeaux, imprimerie Thiolat Frères, St Amand, Cher (collection personnelle)

05 novembre 2013

Témoignage de Robert BRÉGEON, instituteur, P.G. au kommando 459 de Brüx


Dossier des services rendus au cours de la captivité au titre d'instituteur



   Du 08 février 1942, au 08 mai 1945, j'ai été interné au camp disciplinaire de Brüx, pays des Sudètes, - (maintenant : Most, Tchécolovaquie) - kommando 459, du stalag IV C, spécialement chargé de fournir de la main d'oeuvre à une importante usine d'essence synthétique : l'Hydrierwerk de Brüx, du consortium Hermann Goëring.

Le "studio 459" du kommando du même nom
   J'ai pris part à la vie intellectuelle de ce camp dans les formes suivantes :

Jean GOUROT, dit "Biblio",
dessin de Jean-Louis MERLE
qui signe ici "El Zazou"
1° - Pendant un an, j'ai été membre de l'orchestre symphonique et j'ai participé aux diverses manifestations : concerts, séances théâtrales, cérémonies religieuses, concerts aux kommandos voisins.


2° - Pendant toute ma présence à Brüx - soit 39 mois - j'ai donné des cours, des causeries, et j'ai aidé à la rédaction du journal mural "Entre-Nous", du camp 17/18 de Brüx.


Cours :

   Sous la direction du bibliothécaire, Jean Gourot, instituteur à Paris, nous avons créé des cours de préparation au certificat d'études primaires élémentaires à l'adresse de nos camarades.
Ces cours ont fonctionné pendant 2 années scolaires en 1942-1943 et 1943-1944. J'étais chargé des leçons bi-hebdomadaires des collègues de l'Enseignement secondaire et primaire, privés et publics.
Nous avons eu la première année 28 reçus sur 31 candidats et la seconde année 22 reçus sur 28.


Causeries :

   Nous donnions, également des causeries hebdomadaires qui s'adressaient à des camarades plus instruits. J'étais chargé du développement des sujets historiques et géographiques.


   J'ai traité les thèmes suivants :


   Histoire :
  • Les origines de notre Civilisation
  • Les 4 Grands Capétiens
  • Un habile propriétaire : Louis XI
  • François 1er, le gentilhomme
  • Un roi plaisant : Henri IV 
  • L'entêtement de Richelieu
   Géographie :
  • La varité de notre sol
  • La richesse de notre agriculture
  • Les pêches françaises
  • Un homme : Charcot
  • Que contient notre sous-sol ?
  • Nos industries textiles
  • Le travail des métaux


   Ces causeries du mercredi étaient suivies par une centaine d'auditeurs.



Journal :

   Enfin j'écrivais des chroniques de variété dans le journal mural affiché dans la salle de la bibliothèque et qui, bientôt ne souffrit plus de la censure du commandant du camp.
Je me souviens des titres suivants  :
Les moines de la Patrie - Honneur au tabac - Les patates - Bière de Pilsen - Sur la route - Les cloches - Églises de France - Les mouettes - Nos Terre-Neuvas - Ma petite Annie - Pomme - Sac de matelot - Ma Normandie - La noël de 1066 - Le Mont St Michel - Le chocolat - Les photos -  La petite reine - Douce Touraine - Fraternité - Capitaines d'autrefois - Le père Bugeaud - Nos routes de France - Réflexions optimistes d'un homme de 35 ans - Deux amis - Ronde des métiers - Granville la Victoire - Tour de France 1944 - L'amiral envoie - Les cerises - Un grand seigneur : Colas Breugnon


   Ces chroniques, dont j'ai pu conserver la plupart, seront publiées dans un ouvrage que je prépare sur le camp de Brüx . (*)


Des P.G. du kommando 459
Complément d'expérience acquis :
   J'employais mes loisirs du dimanche à parfaire mon instruction. Je suivais régulièrement les cours de philosophie que prodiguait l'aumônier du camp, le Révérend Père LEFEUVRE, docteur en philosophie.
   J'ai lu tout ce qui, dans notre bibliothèque, pouvait ajouter à ma culture, et j'ai eu la bonne fortune de rencontrer des camarades qui, par leurs critiques, m'ont rendu les plus grands services.


   Avant la guerre, j'étais instituteur chargé d'école dans une petite commune rurale. A mon retour, j'ai obtenu la direction d'une école de trois classes, où j'ai l'intention de rester quelques années avant de solliciter la direction d'une école plus importante.



   Membre du comité de la section locale des P.G., je suis responsable  départemental de l'Amicale des Anciens du stalag IV C. A ce titre, je viens d'adresser, 68 Chaussée d'Antin, un témoignage détaillé de tous les crimes dont se sont rendus coupables les dirigeants civils de l'Hydrierwerk de Brüx. Ce témoignage servira à l'instruction des affaires en cours au tribunal de Nuremberg



   Fait à La Guerche-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) le 17 mars 1948



   signé : Robert BREGEON, ex 39.292/VII A




Sources : dossier de l'homme de confiance du IV C (prochainement consultable aux A.N. sous série 72 AJ)

 
(*) Si l'ouvrage annoncé est connu d'un lecteur m'en faire part, merci.

13 octobre 2013

Augustin CREYSSELS

 LE CARNET D'AUGUSTIN


   Augustin CREYSSELS (1918/2003) était originaire du village de St Rémy situé sur la commune d'Ayssène (Aveyron).
Le clocher de St Rémy
 
Il est tout juste revenu de ses deux années d'obligations militaires quand ...
... le 02 septembre 1939, comme tant d'autres Français, il est mobilisé et, dès le 03, il rejoint son régiment : le 18e Bataillon de Chasseurs Alpins (B.C.A.) en garnison à Grasse (Alpes-Maritimes).

   Le 19 octobre c'est le départ pour la guerre...

   Pendant de longs mois il va combattre l'ennemi en Moselle puis en Alsace où son régiment tient les avants-postes et paie un lourd tribut à cette guerre qui ne fait que commencer : plus de 100 disparus lors d'un bombardement le 13 mai 1940.

   C'est à Fays (Vosges), après un dernier repli, que le 18e B.C.A. se rend à l'ennemi le 22 juin 1940.

    Le 23 juin les soldats français sont d'abord parqués au stade de Rambervillers (Vosges) puis dirigés vers la caserne du quartier Gibon où ils dorment sur des planches pendant près d'un mois.

   Nouveau départ le 19 juillet pour rejoindre Châlons-sur-Marne où 30.000 hommes s'entassent à la caserne.

   Avant le départ pour l'Allemagne des centaines de prisonniers sont dispersés pour les travaux des champs et Augustin  se retrouve à  travailler pendant six semaines à la ferme d'Augustin MATHIEU à Hans, commune située près de Sainte-Ménehould.

   Mais, à quoi peut donc t-il penser dans cette ferme française ?
Aux siens et à son Aveyron natal, certainement ! A son devenir et à celui de sa Patrie, c'est plus que probable ! Mais l'ancien petit écolier de St Rémy a-t-il imaginé un seul instant qu'il se trouve en cette fin d'été 40 au coeur même du lieu où s'est déroulée l'une des plus célèbres batailles de France : Valmy (20 septembre 1792) et que c'est au château de Hans que le commandant des forces prussiennes,  le duc de Brunswick, avait établi son quartier général...

   Le 08 septembre, Augustin quitte sa famille d'agriculteurs et le 09 il embarque à la gare de Ste Ménehould pour une destination inconnue ...

   12 septembre 1940, le train s'immobilise en gare d' Hoyerswerda (Saxe - Allemagne). Il est huit heures ! Après quatre kilomètres de marche c'est l'arrivée au camp (stalag IV A à l'époque) où les P.G. sont obligés de monter leur tente avant de pouvoir se reposer.
Le 16, immatriculation et visite médicale et le 21 départ pour le stalag IV C.

   C'est à Brüx et sa région (Most aujourd'hui), territoire tchèque annexé par les nazis depuis 1938, qu'Augustin va désormais passer sa captivité.

    Dans son petit carnet, Augustin note les faits les plus marquants mais aussi les banalités et ses distractions.
Le carnet d'Augustin
On apprend ainsi que la "boule" de pain - qui n'est pas quotidienne - est partagée entre quatre, parfois six P.G. Sa première paye est de 16 marks 80 et il écrit pour la première fois à ses proches le 25 octobre 1940...
Il n'est satisfait, en terme d'alimentation, que le 1er décembre puisqu'il mange "un peu de viande"... pour la première fois !
Son travail consiste au déchargement de wagons, à la pose de traverses sur les voies de chemins de fer. Plus tard, il travaillera à la firme Peroutka à Obernitz (Obrnice).

   Le 24 décembre 1940 le réveillon des P.G. consiste à la "dégustation" des colis Pétain  mais après partage il ne reste que : trois "billes" de chocolat, 13 cigarettes, un petit bout de beurre et de pâté ... "Tout ça nous a fait grand plaisir" note-t-il quand même.
Le menu de Noël est plus que succinct : potage à l'orge, patates bouillies accompagnant un petit bout de viande de porc ; aucun dessert... En soirée, la faim le tenaille, alors il achète 1/4 de "boule" de pain pour 2 marks ! Il note avoir passé un agréable après-midi au spectacle donné par l'orchestre du "grand camp" avec ses 12 musiciens : Hydrierwerk.

Ses plus proches copains d'infortune se nomment :  "Guy", BOUSQUET (qui sera blessé le 05 mars 1945 lors d'un bombardement), CINY, DEBAR ou DEBAS, Henri DELEURE, Paul LABARTHE, MOCAER, SICART etc.
Le 31 décembre 1943 il se rend sur la tombe de BEAUFILS (Marius Beaufils mle 7175/IVC, 2ème classe du 7ème Génie - Ndlr), décédé un an plus tôt à l'hôpital de Brüx, laissant une veuve et trois enfants. Le décès de son ami l'a marqué.

   De 1941 à 1943, les évasions et tentatives sont nombreuses et à chaque fois le chef de camp est relevé de ses fonctions mais surtout les sorties et loisirs sont supprimés, les repas diminués ; mais il ne se plaint pas et doit être heureux pour ceux qui ont eu la chance de réussir.

   Le 12 mai 1944 vers 13h30, les sirènes sonnent l'alerte et 1/4 d'heure plus tard une "grosse" formation bombarde l'usine d'Hydrierwerk. Les dégâts sont importants et beaucoup de P.G. sont tués (la liste des tués de ces bombardements de l'aviation alliée fera l'objet d'un message particulier). Une cérémonie en l'honneur des victimes a lieu le 16 au cimetière de Tschautz (aujourd'hui disparu).

Élie-Jean PASCAUD, homme de confiance du IV C, lors
de son discours au cimetière de Tschautz  le 16 mai 1944
   Le 05 juin, les bruits d'un proche débarquement allié courent dans le camp ...

   Dimanche 02 juillet, 70 P.G. veulent se rendre à un match de foot  mais seule la moitié est autorisée. La réaction des P.G. est immédiate, ils font bloc et ceux retenus refusent de sortir. Pour les Allemands, c'est une révolte. Tous les P.G., dont Augustin, sont alors rassemblés devant des gardes armés, baïonnettes aux canons. La menace est terrible : "J'ai le droit de vous fusiller !" déclare en hurlant le responsable allemand avant ... d'autoriser les 70 prisonniers à se rendre au match.

   A compter du 13 juillet, changement de travail mais les risques de se faire tuer sont accrus puisque c'est à l'usine de la firme Fischer que se retrouve Augustin et que les bombardements redoublent : le 20, l'un de ses camarades est tué à 20 m de lui, les baraques sont détruites.

   En cette fin d'année 44, tous attendent l'arrivée des Alliés. Alors les P.G. en font de moins en moins et Augustin n'est pas le dernier : trois brouettées de terre remuées dans une journée avec son copain CHEYMOL... C'est dire l'ardeur au travail !

   Pas de trêve le jour de Noël, des bombes, encore des bombes...
   Et à nouveau le 15 janvier 1945 pendant 40 longues minutes : Hydrierwerk est détruite "à fond" selon les termes d'Augustin qui  ajoute "pas de victimes (ou presque) parmi les Français". Par contre le 05 mars le bombardement fait 400 morts dont 13 Français (aucune liste dressée au stalag mais treize sont bien décédés - Ndlr).

   Mardi 08 mai c'est la Libération, tant attendue...
   Dès 08h30, le groupe d'Augustin quitte Brüx  et prend la direction de Komotau sur des routes "noires de monde". Ils arrivent au centre de rassemblement d'Eger le 11 et ne foulent le sol de leur Mère Patrie que le 19 mai 1945.

   Près de 6 ans après son départ pour la guerre, Augustin va retrouver les siens ; il est sauf !


Remerciements à André, son fils, pour l'envoi du "carnet d'Augustin" dont sont tirés ces renseignements et les photos et documents transmis. 
Photos (1,2,3) collection André Creyssels ; (4) collection privée.

Les photos et documents publiés sont sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0 FR

13 mai 2013

Henri LE BRET


   Henri LE BRET (1911-1991), agriculteur à Ploufragan (Côtes-d'Armor), est mobilisé à Argentan (Orne) le 04 septembre 1939, comme caporal au 93 ème R.I.



Henri à Qualen
   Le 07 juin 1940, il est fait prisonnier dans le secteur tristement célèbre du « Chemin des dames », à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Laon (Aisne), plus précisément à la Ferme de Tinselve située à proximité de Vauxaillon.
Avec de très nombreux compagnons d'infortune, il est contraint de rejoindre à pied la ville de Laon où, pendant plusieurs jours, les prisonniers sont « parqués » en plein air sur le terrain de football.

   Au cours de la pénible marche vers Laon, une quinzaine d'hommes dont il fait partie - (soldats rescapés des 93 ème et 102 ème R.I.) - est isolée de la colonne pour être conduite dans une clairière afin d'être fusillée par l'ennemi, certains éléments leur reprochant les lourdes pertes humaines subies dans le secteur. La perspective de telles représailles n'est pas entièrement partagée par l'encadrement allemand présent qui, fort heureusement, demande l'arbitrage d'un « gradé ». Celui-ci annule la décision au motif que les Français se sont conduits en soldats et que leur sort est d'être prisonniers et non fusillés.
P.G. du kommando de Qualen :
Henri Le Bret (debout, dernier à droite)
Célestin Charmay (debout, 2ème à partir de la droite)
Paul Barré (assis, 1er à droite, pull à carreaux)

   Il est ensuite dirigé sur l'Allemagne, via la Belgique et le Luxembourg.
Immatriculé au Stalag XII A sous le numéro 6495, il est détenu au camp de Limbourg, à proximité de la Hollande, du 21 juin au 28 août 1940.
A compter du 12 septembre, après avoir transité par le camp de Mühlberg (IV B), situé dans les environs de Berlin, il est transféré au Stalag IV C, dans la région des Sudètes.
Affecté à des travaux de terrassement dans le cadre de la réparation de routes et de digues en bordure de l'Elbe, il connaît successivement :
    - le camp de travail de Schönwald (Schoendwald), lié à un chantier que les prisonniers appellent « Biribi » du fait de son éloignement, obligeant ces hommes mal nourris et mal vêtus à parcourir à pied, quotidiennement, 10 km A/R ;
    - puis celui de Prosmik à compter du 09 décembre 1940.


    PG du kommando de Qualen

   Le 28 avril 1941, s'étant porté volontaire pour travailler dans une ferme, il est affecté au kommando du village de Qualen (Chvalov) dans la proximité d'Aussig (Usti nad Labem) Il est placé chez le fermier Emil Rehatschek chez lequel il passe toute sa captivité, excepté pendant la période d'avril à octobre 1944 où il travaille dans la ferme de la famille Gaube à Slabisch.


La ferme d'Emil Rehatschek

Le même lieu, aujourd'hui avec
dans la propriété l'arbre planté par Henri

   Le 10 mai 1945, il est libéré par les Russes. Après quelques jours d'un voyage en train qui file vers l'Est, le convoi est heureusement remis aux soldats américains le 15 mai.
Fiche de libération


   A son arrivée à Ploufragan le 22 mai 1945, de nouvelles difficultés l'attendent car la ferme paternelle occupée par l'armée allemande depuis avril 1941 du fait de sa proximité avec le « terrain d'aviation » de Saint-Brieuc, a été entièrement détruite par les occupants en août 1944 ; par ailleurs 75 % des terres sont inexploitables : elles ont été minées ou recouvertes de béton pour servir de pistes d'aviation.

Fiche de démobilisation
Des photos d'Henri et d'autres camarades sont visibles dans le diaporama Stalag IV C.

D'autres documents provenant de la collection d'Annick seront publiés dans des messages spécifiques. 

Texte et documents : Annick, que je remercie. 

Les photos et documents publiés sont sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0 FR

11 mai 2013

Roger BERTRAND


A la mémoire d'Harris ...


   "Qu'est-ce qui a fait qu'à un moment de ma vie, comme vous ici sur ce blog, j'ai eu connaissance du "stalag IV C" ?
   Tout d'abord une histoire de famille comme tant d'autres, marquée par l'amour d'un homme à son petit-fils. Cet homme, tendre et attentionné comme peut l'être un grand père, quitta ce monde alors que son petit-fils n'avait que 8 ans.


   De là est née une soif de connaître sa vie, son histoire, ce qui m'a conduit à faire des recherches généalogiques passionnantes, pleines de découvertes. Et, en insistant sur son vécu, militaire notamment, c'est là que le "stalag IV C" a fait surface.


   

   Internet étant un outil formidable, il ne me fallu pas longtemps pour découvrir ce site. Je l'ai longuement parcouru pour bien appréhender cette époque et surtout espérant croiser ce visage que j'ai bien connu enfant. Mais non, aucun signe de lui.

   Après des courriers au Bureau des Archives des Victimes des Conflits contemporains (B.A.V.C.) et au Comité International de la Croix-Rouge (C.I.C.R.), j'en appris un peu plus sur son parcours militaire et surtout sur cette longue période de captivité dans ces camps de prisonniers.

   Avec les documents d'époque reçus et les deux photos que j'ai pu récupérer lorsqu'il était là-bas, j'ai pu me dessiner mentalement son parcours.




   Dans une idée de partage, je communique les documents joints et ces renseignements car ils pourraient servir à d'autres dans leur démarches. Et qui sait, un(e) descendant(e) d'un camarade d'infortune de mon grand père a, peut-être, des informations supplémentaires sur lui...

Mon grand père ...

   ... Roger, Harris, Raymond BERTRAND est né le 18 novembre 1911 à Mirambeau (Charente-Maritime).

   Soldat réserviste de 2 ème classe, il est mobilisé dès le début de la guerre au 344 ème Régiment d'Infanterie, une unité de Réserve de la 18 ème Région Militaire de l'époque ayant ses quartiers à Bordeaux.

   La 14 ème compagnie du régiment de Roger arrive à Vitry-le-François (avec la 13 ème cie) le 30 décembre 1939 et va rester dans cette région jusqu'à la mi-juin 1940...
C'est en effet le 13 juin que Roger et les camarades de son unité sont capturés à Ponthion (Marne) mais les combats se poursuivent également le lendemain puisque des éléments du 344 ème R.I. résistent encore à 25 km à l'est sur la commune de Révigny-sur-Ornain
(cf. Archives VI ème R.M. et l'ouvrage "Juin 1940, le mois maudit" de Roger Bruge, éditions Fayard, 1980).



   Immatriculé sous le n° de K.G. 6434 au frontstalag 193 de Sainte-Ménehould (Marne), il est transféré en septembre 1940, semble-t-il, au stalag IV A avant d'être déplacé sur le IV C et plus précisément dans la région de Komotau.


Harris et un camarade à l'entrée de Hohentann
(Vysoka Jedle)

   D'une lettre écrite de sa main, j'ai appris qu'il avait été libéré à Komotau le 09 mai 1945 par l'Armée Russe du général Joukov. Il avait perdu 26 kilos !





Sur une liste de camarades de captivité de mon grand père un nom a retenu mon attention : Carl COINDET  de Château-d'Oléron.

Textes et documents : David A. que je remercieLes photos et documents publiés sont sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0 FR

07 mai 2013

08 mai

   En ce 08 mai, pensons aux prisonniers de toutes nationalités qui, il y a 68 ans, étaient libérés !

 
   En ce jour de commémoration de la Victoire et de la Paix et afin de rendre hommage à tous ces P.G., mais aussi à toutes les victimes de cette guerre, j'incruste sur cette page ce petit symbole aux couleurs de la France qui a été réalisé en captivité, à Qualen (Chvalov), au sein du IV C, par le breton Henri LE BRET.

Remerciements à A. Le Bret pour cet émouvant objet !

La biographie d'Henri fait l'objet d'un message.  

Marcel VACHERON

Le "trajet" vers le stalag IVA
 
   Au cours de la guerre certains P.G. ont été libérés - ce fut le cas de "ceux de la relève" (un prochain message en parlera) - pour des raisons notamment familiales.
   
   Marcel VACHERON a été de ceux là ...

   Aîné d'une famille de cinq enfants, il est libéré comme soutien de famille en juin 1941 à la suite du décès de ses parents.
La lettre signalant sa capture

   Le 13 juin 1941 il écrit dans son agenda : "Nous quittons Welbet (en réalité Welboth - Velvety aujourd'hui - Kommando de Hertine) à six pour le stalag" et poursuit "le 14 juin, nous quittons le stalag à douze pour embarquer à Teplitz et nous quittons la gare à 14h30".

   Dans ce même agenda il notait déjà :
- 19 janvier 1941 (dimanche) : repos au cantonnement, il neige toute la journée ;
- 20 janvier : travail à la butte, il neige toute la journée ;
- 21 janvier : travail à la butte ;
- 22  janvier : travail à la ferraille ; Claude ... et MAZY nous quittent pour un autre détachement ;
- 24 janvier : travail à la ferraille ;
- 25 janvier : travail à la terrasse ;
etc.
- 1er février : on déménage de la fabrique pour s'installer aux baraques en planches ;
etc.
- 06 février : travail au sable ;
- 07 février : travail aux wagons ;
- 14 février : on nous annonce la suppression des draps ;
- 15 février : on touche 27 biscuits de guerre et 11 dattes ;
  etc.
- 26 février : je trouve Petit Gérard à la filature ;
L'agenda de 1941
  etc.
- 27 avril : on touche la première paye de la filature : 19 marks 70 ;
etc.
- 07 mai : on apprend que trois de nos camarades se sont évadés ;
- 09 mai : 400 prisonniers Serbes arrivent au camp ;
etc.
- 19 mai : mon copain FURCY part pour une ferme.

   Les camarades de Marcel notés dans ce carnet sont :
La dernière quittance de paie de Marcel 
Antoine FURCY de Roanne (42) ; François MAZY de Villiers-le-Sec ;
Jean DHENIN de Paris VI ; Noël GRANDGUILLAUME de Ste Anne (88) ; Roger AUDOUS de Cournonsec (34) ; Henri BARGE de Molles (03)




Remerciements à Jean-Pierre pour les documents fournis.


Les photos et documents publiés sont sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0 FR


06 avril 2013

Fin de la guerre dans les Sudètes ...

ATTENTION : images dures, scènes violentes !!!


Avant de visionner, veuillez désactiver la "playlist Deezer"

sur le bandeau droit du blog. 



Film authentique de l'armée américaine enregistré le 08 mai 1945 dans la région des Sudètes. Les troupes allemandes captives défilent sous la garde des soldats tchèques. 
Film repris par la télévision tchèque, diffusé sur Youtube. Musique "sonate n° 2 en sol dièse mineur ..." de Michel Block.

04 avril 2013

Carte des lieux pendant la guerre et aujourd'hui



   Carte avec noms de villes pendant la guerre et aujourd'hui

   Veuillez cliquer sur le lien (ci-dessus), pas sur la carte... et ainsi, en "zoomant", vous obtenez les deux noms !  (un léger décalage peut, néanmoins, exister).


Avec le concours de Nataliya

31 mars 2013

Libération de Teplitz


Photo de Francis JARDIN (un P.G. français ?...)

    Pour suivre les évènements passés et l'histoire de la région de Teplice, à quelques kilomètres de Wistritz siège du stalag IV C, suivez ce lien :
TeplitzSchonau sur facebook

    Les photos, anciennes notamment, sont nombreuses et voici celle publiée concernant la libération de la ville le 08 mai 1945, à 08h30 par les troupes russes.

   
(collection personnelle)
    Ci-contre, ce qu'écrit mon père dans son carnet sur cette journée tant attendue :
"" 8 mai 1945, réveil 3h, départ pour la France à pied.
A 8h, chassés par les S.S.
12h30, passage à Brüx et bombardement par les Russes,
mort de 19 camarades du kommando Moulin (?) de Teplitz.
Libérés par les Russes, que des jeunes filles, à 20h à ...

Le 9, à ...., un régiment de Mongols nous dépasse, de vraies brutes, tous ivres"".

   Les troupes russes et américaines avaient fait la jonction quelques jours plus tôt, fin avril 1945, près de Torgau (photo ci-dessous).

Sources : http://www.museevirtuel-virtualmuseum.ca/
   Déjà, depuis le bombardement de Dresde (Wehrkreis IV) dans la nuit du 13 au 14 février 1945 qui fit, selon certaines sources, près de 250.000 victimes (pour 1 million d'habitants et de réfugiés confondus), les P.G. du IV C attendent leur délivrance (la libération des stalags s'est échelonnée en fonction des événements).

    La ville de Brüx, située à moins de 30 km de Wistritz, et son usine d'essence synthétique est aussi régulièrement bombardée (voir dossier Charlemagne Midavaine). 

    Dès les premiers jours de mai, les P.G. de Teplitz et alentours ont connaissance de l'avancée des Alliés et du recul de l'armée allemande car des convois importants de réfugiés civils traversent la région et le bruit des canons et des bombes se rapproche chaque jour...

    Finies les parades dans les villes et la liesse des Allemands des Sudètes !..
Octobre 1938 à Aussig (sources : Bundesarchiv)
Quelque part dans les Sudètes en octobre 38
(sources : Bundesarchiv)

   Comme la population française cinq ans plus tôt, les Allemands des Sudètes, de Saxe ou de la Bavière proches connaissent à leur tour l'exode... après d'autres Länder.

   Le 07 mai les Américains sont signalés à Komotau et, en soirée, les premiers obus tombent sur Teplitz, Wistritz et leur région. Les ordres sont donnés dans chaque kommando car la Libération est proche !
   Immédiatement les prisonniers s'affairent à récupérer leur maigre bien et se préparent à passer leur dernière nuit de captif. Mais, tous ne rentrerons pas ...

   Le 08 mai, à 03h00, c'est le réveil et presque immédiatement le départ pour mon père et ses camarades de Teplitz. Tous doivent rejoindre, à pied, les lignes américaines les plus proches (à plus de 100 km !). Au fur et à mesure du trajet, la colonne des nouveaux "hommes libres" (les posten ont vite fuit...) s'étoffe par l'arrivée de dizaines de kommandos.
Ils marchent à la queue leu leu en direction de Brüx et la colonne s'étire sur plusieurs kilomètres.
   A 12h30, alors qu'ils viennent de pénétrer dans Brüx, l'aviation russe bombarde la ville faisant des dizaines de victimes (anciens P.G., soldats allemands, civils).
   Moins d'une heure plus tard, une bataille entre chars russes et allemands se déroulent sous leurs yeux et tourne à l'avantage de l'Armée Rouge.

   A 23h01, l'Allemagne a capitulé ! La guerre est finie !

   Les P.G. du IV C ont donc été parmi les derniers délivrés ... mais ils ne sont pas encore rentrés en France !

   A suivre ... "Le retour"

Sources : photos, mention sous chaque cliché ; textes, archives familiales, carnet de captivité de Charlemagne Midavaine et wikipedia. 

18 mars 2013

Louis LACOUR


   Mon père, Louis LACOUR (21/03/1913-02/05/1989), est fait prisonnier au massif du Donon le 20 juin 1940. Il est détenu dans un camp de transit à Sarre-Union jusque vers septembre-octobre 1940 (mes souvenirs d'enfance des rares récits de mon père sont imprécis sur ce point). Les prisonniers ont parcouru à pied une partie du trajet de leur lieu de captivité à Sarre-Union.


La plaque du K.G. Louis Lacour
   Mon père est expédié à Mülhberg (Brandebourg) par le train (wagons à bestiaux, mais wagons de voyageurs lors de la traversée de vallée de l'Elbe). Il est immatriculé au Stalag IVB sous le matricule 55557. Il est ensuite affecté et expédié au Stalag IVC à Brüx dans les Sudètes où les Allemands construisent une usine d'essence synthétique (procédé Fisher-Tropsch).
Il y reste jusqu'au 8 mai 1945.

   Le 8 mai 1945, c'est la débandade allemande. Les prisonniers sont laissés à eux-mêmes. La situation est terrible en raison d'un bombardement aérien russe qui fera de nombreuses victimes parmi les prisonniers français (mon père parlait d'un proche camarade tué en étant hospitalisé).
Louis Lacour (2ème rang, 4ème en partant de la gauche)
et d'autres camarades le dimanche 31 octobre 1943
Mon père et un camarade (je ne me souviens pas de son nom) décident de quitter le camp pour rejoindre les Américains et fuir les Soviétiques. Ils parcourent à pied la vallée de l'Eger (Ohre) jusqu'à Karlsbad (Karlovy Vary). Ils transportent leur maigre bagage au moyen d'une brouette. Quelques allemands des Sudètes leur ont offert à manger et à dormir. Mon père rappelait le changement d'attitude des ces allemands à l'égard des prisonniers.

Louis Lacour (1er à gauche au 3ème rang)
le 1er janvier 1945

   Vers Karlsbad, mon père et son camarade empruntent un train de fortune qui transporte des prisonniers vers l'Allemagne. Le train est escorté et protégé par des soldats américains en raison des desperados SS qui sévissent le long de la ligne. Les prisonniers réparent les voies (pose de rails et de traverses). Un pont détruit stoppe le voyage en train. Ils continuent dans des camions de l'armée américaine jusqu'à Gera (Thuringe). Les Américains transfèrent les prisonniers français vers Paris par avion (Dakota). Mon père arrive à Paris-Le Bourget vers le milieu de juin 1945, et est démobilisé. 

Obsèques des P.G. victimes du
bombardement du 12 mai 1944 à Brüx
   Quelques souvenirs de récits supplémentaires :
A partir de la fin de 1943 ou du début de 1944 le camp a subi de fréquents bombardements la nuit (britanniques) et le jour (américains) pour détruire l'usine d'essence synthétique.
Ces bombardements ont fait des dizaines de victimes parmi les prisonniers français. Les prisonniers employés à la construction et à l'extension de l'usine ont effectué de nombreux sabotages pour entraver sa construction et son extension (par exemple, canalisations obstruées, détruites ou interrompues, sable dans les boîtes à graisse des wagons de marchandise, casse lors du déchargement de wagons de marchandise) avec une grande habileté pour ne jamais éveiller les soupçons des Allemands et éviter les représailles.

Texte et documents : Jean-Louis Lacour, que je remercie. 

D'autres photos sont consultables dans le diaporama
"Stalag IV C"

Des documents de la collection de Jean-Louis seront insérés ultérieurement dans des messages particuliers (La foi, bombardements etc.)

Toutes les photos publiées sont sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0 FR

18 février 2013

Recherche de sépultures

(collection Nataliya Panfilova)

   Une correspondante du groupe "Stalags IV" de Facebook (également membre de ce blog) effectue des recherches sur le lieu de sépulture de son grand oncle, SCHKOLJNYI Stepan (en russe : Школьный Степан).

   Stepan est né en 1912 dans la région de Voroshilovgrad (aujourd'hui Luhansk, en Ukraine) et a été enrôlé dans l'Armée Rouge en juillet 1941. Un mois plus tard il est capturé à Nevel (en russe, Невель) et envoyé au stalag IV B près de Mühlberg. Le 27 septembre 1943 il est transféré au IV C, à Seestadt (aujourd'hui Ervenice) près de Brüx où il va sans   doute travailler dans les mines.



   Avec un camarade, il va s'évader à trois reprises et sera, à chaque fois, repris et sévèrement battu. Son ami tentera, avec succès, une quatrième évasion mais, à bout de force, Stepan ne le suivra pas ...

   Le 14 février 1944 il décède !


   Nataliya a déjà effectué de nombreuses recherches pour connaître le lieu d'inhumation de son oncle mais sans succès. Une base de données le note enterré à "Chausy" mais ce lieu est inconnu ... Néanmoins il pourrait s'agir d'un village dans les environs de Brüx (Most, aujourd'hui). Si un lecteur a une "piste" et même le moindre élément qu'il me contacte !

   J'ai conseillé à notre amie d'écrire au 
C.I.C.R. et à l' I.T.S.


   Si, comme Nataliya, vous souhaitez connaître un lieu de sépulture et tout autre renseignement sachez qu'il existe de nombreuses bases de données et notamment celles-ci :
- pour les citoyens de l'ancienne U.R.S.S. ;

- également pour la Russie ;
- pour l'Allemagne ;
- un site tchèque ;
- MémorialGenWeb ;
- Mémoire des Hommes ;
et bien d'autres ...
Info du 15/03/2013 : Les services administratifs de la ville de Most  ont répondu à Nataliya que Seestadt, de nombreux autres villages et leurs cimetières ont été détruits par l'exploitation minière dans les années 60/70 ... Les cendres des 18900 défunts du cimetière de la vieille ville ont été réunies sous ce monument.