26 février 2016

L'infirmerie d'Aussig Pokau

Bref  historique de l'infirmerie d'Aussig-Pokau

   L'infirmerie d'Aussig-Pokau (aujourd'hui : Ústi nad Labem - Bukov) fut ouverte le 17 février 1941 avec comme médecin-chef français le lieutenant-médecin LERICH (vraisemblablement au milieu de "ses sanitaires" sur les photos publiées), matricule n° 1515 et un personnel sanitaire restreint. Par la suite le personnel fut augmenté et fut toujours suffisant pour tous les soins à donner aux malades. Le nombre des places disponibles était de 106. La moyenne des malades a varié suivant les saisons et les années. De 1941 à 1943, moyenne de 80 en hiver et 50 en été ; de 1943 à 1945, moyenne de 60 en hiver et 40 en été. Maximum atteint 105 - minimum 37.

   En janvier 1945 arrivent 80 P.G. anglais dont les pieds furent gelés pendant leur évacuation de Silésie. En avril-mai 1945 sont hospitalisés 20 malades français atteints de dysenterie contractée aussi pendant l'évacuation de l'est vers l'ouest.



   Les soins étaient donnés par un médecin français responsable et des infirmiers français travaillant sous ses ordres. Les huit derniers mois ce fut un médecin anglais. Aucune plainte n'a jamais été formulée par les malades.

   Outre des soins, les médicaments étaient distribués normalement et suffisamment, et cela parce que la pharmacie de l'infirmerie était ravitaillée par une pharmacie de la Wehrmarcht. Grâce à la sympathie témoignée par le pharmacien-chef allemand et les facilités accordés à la signature du pharmacien-chef de l'hôpital d'Aussig, les médicaments ont été obtenus en quantité suffisante. En dernière année, vu la pénurie existante dans l'armée allemande, les envois pharmaceutiques de la Croix-Rouge française et de la Croix-Rouge internationale (envois anglais et américains) ont rendu de grands services et ont permis de tenir jusqu'à la libération.


   Si les médicaments prescrits n'existaient pas dans la pharmacie militaire allemande, une autorisation était donnée de se les procurer dans les pharmacies civiles qui n'ont jamais opposé de refus. Ces derniers médicaments étaient payés soit par les services compétents du stalag, soit par les malades eux-mêmes pour lesquels un service d'entraide avait été créé.



   Un contrôle au point de vue sanitaire était exercé par le médecin-chef de l'hôpital d'Aussig. Tous les mois il passait une visite réglementaire. Il fut toujours bienveillant. Il exerçait aussi le contrôle administratif de l'infirmerie qui était considérée comme une annexe de l'hôpital d'Aussig. Les papiers administratifs, après signature par ce médecin-chef, étaient expédiés au stalag. Ces papiers, en particulier les dossiers des malades, sont donc à chercher dans les archives médicales du stalag IV C à Wistritz.



   A signaler que certaines réclamations justifiées n'ont jamais obtenu satisfaction : ainsi une voiture affectée à l'infirmerie pour le transport urgent des malades - des brancards - des civières - l'usage des rayons X à l'hôpital durant les années 44-45. Nous avons eu à lutter contre la rigidité et même l'hostilité administrative d'un maire nazi...

   Au point de vue nourriture :


   La nourriture fut toujours insuffisante pour les malades et les infirmiers. Dans l'impossibilité d'obtenir des régimes pour les malades, ceux-ci étaient dirigés au plus tôt sur des hôpitaux spécialisés : Bilin, etc. Nous avons obtenu pour certains le régime lacté. Sans les colis des parents, les envois de France et les secours de la Croix-Rouge et les derniers mois les colis anglais et américains pour les malades, les hospitalisés et les infirmiers n'auraient pas pu tenir.



   Au point de vue de l'aumônerie :


   Le service était fait par un aumônier qui, après quelques mois difficiles à cause de la mauvaise volonté d'un sous-officier gardien allemand, réussit à organiser le culte d'une manière satisfaisante pour les malades et le personnel. Des messes étaient dites dans les différents kommandos par deux prêtres.


   La région desservie par l'infirmerie comprenait tout le district d'Aussig où travaillaient 3000 P.G. La "Revier" recevait aussi des malades du district de Wistritz, de Brüx, de Böhm. Leipa ...


   Chaque jour à l'exception du dimanche, les P.G. pouvaient se présenter à la visite médicale. Sous la surveillance des sanitaires allemands, sévère au début, relâchée ensuite et même nulle à la fin, le médecin français passait la visite des P.G. qui venaient de tous les kommandos du district. Suivant les cas, il accordait repos, soins suivis d'une nouvelle visite ou hospitalisation. Ceux qui étaient hospitalisés recevaient les soins appropriés. Guéris, ils retournaient à leurs kommandos. Les malades inaptes à travailler étaient dirigés sur le stalag. Les tuberculeux et autres, atteints d'une maladie à évolution lente, étaient conduits vers les hôpitaux spécialisés : Mühlberg, Eltershorst, Winterberg, Gnaschwitz, Schmorkau, Kônigswartha. Quelques malades étaient évacués sur Bilin, parmi eux les cas chirurgicaux légers : phlegmons etc.



   Les P.G. dont l'état des yeux et des oreilles-nez (ORL) exigeaient une visite spéciale recevait une feuille qui leur permettait d'être soignés par un spécialiste militaire ou civil. A noter que ces spécialistes ont été très consciencieux, ont toujours donné la plus grande satisfaction. Tous les malades soignés par eux gardent d'eux un excellent souvenir.



   L'infirmerie ne gardant pas les malades graves, mais les évacuant sur l'hôpital militaire d'Aussig, n'a eu à déplorer que trois décès :(méningite, diphtérie, tuberculose au 3°). Les cas ont été signalés en leur temps aux services français qui ont averti les familles.



   Hôpital d'Aussig :
   Les malades dont l'état exigeait des soins très grands  ou une intervention chirurgicale urgente ou encore une position couchée de longue durée étaient dirigés sur l'hôpital d'Aussig. Le personnel sanitaire de cet hôpital fut toujours correct et consciencieux pour les prisonniers.
Parmi les religieuses, toutes dévouées, nous signalons une qui fut vraiment admirable pour sa charité. Tous les malades soignés par elle sont là pour en témoigner. Les prisonniers avaient le même régime alimentaire que les blessés allemands. Quelle différence avec le régime de notre infirmerie !

Pouvaient être admis à l'hôpital d'Aussig :

- les cas chirurgicaux urgents et graves ;
- les cas médicaux exigeant une position couchée de longue durée et ne pouvant être évacués sur un hôpital spécial pour les prisonniers.


Les service de l'aumônerie était fait par l'aumônier français de l'infirmerie.



Les morts à l'hôpital d'Aussig ont tous été enterrés religieusement au cimetière central de la ville d'Aussig en présence de délégations de camarades. Tout a été exécuté dans l'ordre.


Le personnel médical de l'infirmerie d'Aussig-Pokau en 1942
Au 1er rang : abbé LE PEMP, ARIS, LAFORE, VEYSSIERE
Assis, au 2ème rang : MORICEAU, RACINOUX, Dr LERICHE, BELLOIR, CULINE
Debout : IMBERT, LENAY, PAPIERSKI, BOVY, MARTIN


   Liste de médecins et des infirmiers ayant soigné des P.G. à l'infirmerie de Pokau : docteur (capitaine) anglais BARKER - Dr (adjudant) BARRAUD - Dr (lieutenant) LERICH - Dr (capitaine) MADRANGES - Dr (capitaine) VALDEYRON - 

Infirmiers : les sanitaires BOVY (belge) CERGETTA - DELORME - DURAND - GALLAS - HOEBECKE - JOUAN - LE PEMP - LESAGE - MAININI - PAILLOT - QUESSON -

Médecins allemands : Dr Bardackoy, médecin-chef de l'hôpital d'Aussig - Dr Migura (ORL très compétent) - Dr Chwarz et Stephan (chirurgiens très compétents et consciencieux).

A signaler que les chirurgiens et médecins allemands d'Aussig ont été consciencieux, bienveillants même, pour les P.G.

Les dossiers régulièrement rédigés par eux ont été sérieux.



   Archives de l'hôpital d'Aussig :

   Tous les dossiers des malades soignés à l'hôpital d'Aussig ont été expédiés par l'intermédiaire de l'infirmerie de Pokau, soit au stalag IV C, si les P.G. étaient guéris, soit aux hôpitaux où étaient dirigés les malades non encore complètement guéris.


   L'infirmerie de Pokau expédiait régulièrement au stalag IV C les dossiers des malades qui pouvaient avoir des réclamations à formuler plus tard. De même, les malades qui étaient conduits de l'infirmerie vers un autre hôpital, avaient un dossier qui les suivaient. Les archives de la Kranker-Revier de Pokau ne possédaient aucun dossier.



   Quelques prisonniers ont reçu des attestations signées des médecins français ou anglais. Le dernier homme de confiance de l'infirmerie, ayant toujours été affecté à cette infirmerie, est à même de donner de nombreux renseignements. Resté le dernier à son poste, il s'est étonné que la Croix-Rouge ne soit pas venue pour l'évacuation des malades. Ceux-ci ont été évacués par train avec toutes les précautions possibles . Quelques ambulances venues en temps opportun auraient permis le retour en France d'une partie du matériel réquisitionné en France et surtout le retour de quelques médicaments. Ne voulant pas que ces produits pharmaceutiques soient perdus, l'homme de confiance les a fait prendre par l'hôpital d'Usti-nad-Labem dont les tchèques avaient pris la direction.



   En bref, l'évacuation des malades a été régulièrement faite par le médecin capitaine anglais aidé des sanitaires. Une partie des médicaments restés a été livré à la Croix-Rouge de Prague, l'autre partie à l'hôpital d'Aussig.


   Les dossiers concernant les pensions obtenues des compagnies d'assurances ont été expédiés au stalag. Ce travail était exécuté par les services allemands. Le signataire de ces lignes, se déclare disposé à répondre aux questions qui pourraient lui être posées ...

   Après l'évacuation de l'infirmerie :

   Pendant plus d'un mois après l'évacuation des malades de Pokau-  Revier, l'homme de confiance de cette infirmerie est resté pour rassembler les isolés, recueillir les blessés évacués d'autres hôpitaux et pour organiser le départ de tous les P.G. A cet effet, il s'est mis en relation avec l'homme de confiance du stalag, PASCAUD, dont il a suivi dans la mesure du possible, les ordres et les consignes.


   C'est ainsi qu'il a pu organiser pendant plusieurs semaines le ravitaillement et l'hébergement de 150 P.G. transformés et requis français ; en cela il a été aidé puissamment par les Tchèques qui se sont montrés admirables et par des camarades français comme le sergent-chef FEUILLADE, AUBRY et VERGER. Il a aidé aussi les jeunes requis à organiser le train de départ des malades en fournissant matériel de couchage et vivres.



   Il a fait évacuer par ambulances américaines des blessés américains et anglais, des déportés français et luxembourgeois.



   Il est parti, enfin, le dernier, accompagnant les deux derniers malades français dans des ambulances venues de France pour la dernière évacuation. Il pouvait affirmer au moment de son départ que tous les Français qui désiraient rentrer, étaient évacués.


Signé : abbé Corentin LE PEMP, professeur à Moëlan/Mer (Finistère) document découvert dans les archives "Pascaud".

Nota : les trois photos ont été prises au même endroit et sont toutes de 1942 comme le précise la légende du cliché 3 reproduit dans le journal "Le Lien" de l'Amicale du IV C.

Photos : collection privée L.P.-D. sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0 FR

1 commentaire:

BECASSINE91 a dit…

Très intéressant
Merci