01 février 2017

Exposition à Reichenberg

Exposition "Notre France"
à Reichenberg du 19 nov. au 03 déc. 1944

     Les paysages qui forment le cadre habituel de notre vie d'exil et dont nous n'apprécions pas totalement la splendeur parce que nous les voyons "en prisonniers" et non "en touristes", seraient-ils plus merveilleux encore, ne nous feraient pas oublier le coin de France où nous avons laissé notre bonheur ! Pour en avoir été privés nous en sentons un impérieux besoin de tout ce qui est Français, de tout de qui comprend notre Patrie.


   Quelle joie n'éprouvons-nous pas si nous découvrons une photographie de tel coin de terre française où s'est déroulée notre enfance, ce village où nous avons vécu des jours heureux, ce quartier où la vie était si dure et qui nous a laissé de si bons souvenirs ! En somme ce qui nous manque le plus, avec la présence de ceux qui nous sont chers, c'est se sentir "chez soi", d'entendre autour de soi parler sa langue maternelle. 



      Au cours de nos sorties nous ne voyons que des inscriptions qui, bien sûr, nous sont devenues compréhensibles avec le temps, mais elles n'ont pas pour nous le charme de celles qui jalonnent nos routes de France : "Attention école", "Sens interdit", etc. L'enseigne du café du coin "Bar des Sportifs", par exemple nous semble combien plus belle que celle du Gasthaus "Zur goldenen Kugel". Quand nous avions encore la joie de voir de temps à autre un film français, l'apparition sur l'écran d'un artiste connu, la silhouette d'un "flic parisien" ou bien un détail qui symbolisait bien notre "chez nous" suffisait à faire éclore un peu de gaîté dans nos cœurs. Tout ce qui est susceptible de nous rappeler notre douce France nous attire ; ce sont ces sentiments que les P.G. de Reichenberg ont éprouvés en visitant l'exposition "Notre France" qui a eu lieu au Colloseum du 19 novembre au 03 décembre.
   

    Le visiteur est frappé dès son arrivée par nos trois couleurs lumineuses qui décorent le fond de la salle ; dans le blanc de cet immense drapeau se détache en un relief du plus heureux effet, l'harmonieux contour de notre Pays surmonté des mots "Exposition notre France" en lettres dorées.



    Puis il se dirige naturellement vers l'écusson aux armes de sa province qui est fixé sur l'épaisseur de table imitant la pierre blanche, des livres, des brochures sont à sa disposition, il peut les feuilleter à loisir, y admirer les joyaux artistiques dont la France est si riche, il y découvre aussi des coins qui lui sont familiers, de temps en temps le silence presque religieux des visiteurs est troublé par une exclamation : "Dire que j'habite là, au bout de cette rue", puis le silence rétabli, cette image découverte en provoque d'autres dans le cerveau du pauvre "Gefang". Des scènes de la vie d'autrefois, des souvenirs des jours heureux !

 
Les écussons des province sur l'épaisseur de ta table
et la Tour Eiffel de TERRADE, notamment

     Les murs sont tapissés d'affiches qui font penser à certaines salles d'attente de gares ou aux bureaux d'agences de voyages ; également aux murs des photographies représentent des cités plus pittoresques de France ; des dessins et des peintures de BOUTHIER (Eugène BOUTTIER) dont un magnifique Mont St-Michel et de SOCCORSI dont les Marines furent une fois de plus admirées.



     Sur les tables parmi les beaux ouvrages consacrés aux provinces sont exposés des cadres en bois signés de ROBINET, LUC, MANDANNET et LAFOND. Des bois gravés de DARD dont le plus beau représente deux paysages bourguignons, des coffrets de marqueterie  de AUGUSTIN, LAURENT, ALLONCHE, CAVALLI, VERGUAUX et DIABAT ; deux merveilles de patience et d'art : ce sont sculptés dans la masse, une Tour Eiffel de TERRADE et un Christ de BOITEAU. À la place d'honneur, parmi les travaux de "Gefang", des broderies !... oui je dis bien de fines broderies exécutées par les doigts de fée d'un des forts athlètes du district !


Le Christ de BOITEAU, le Mont St-Michel de BOUTTIER et les Marines de  SOCCORSI
sont, entre autres, visibles sur ce cliché

    Dans un coin une chaumière normande présente successivement par une ouverture les réseaux, ferroviaires, fluviaux et routiers français, le tout synchronisé avec un éclairage intense, s'estompant quand une carte disparaît pour faire place à une autre ; un chef-d'oeuvre d'ingéniosité de deux camarades électriciens.
 
Le réseau ferroviaire  sur une carte de France


Dans un coin un "mirador phare" éclairant blanc et rouge, placé sur un barrage a la prétention de  représenter la Bretagne ! Puisque nous sommes chez les marins signalons deux jolis bateaux dus au travail de PELAPRAT et CHANDELIER. À l'extérieur, deux galeries présentent des photographies, des gravures mettant en valeur des détails de la cathédrale de Vezelay et des chefs-d'œuvre de la peinture française.



  En plus des paysages, des sites, des villes, des villages et monuments, beaucoup d'entre nous n'ont-ils pas découvert des merveilles à côté desquelles nous avons vécu autrefois sans les remarquer et qui nous tarde maintenant d'aller contempler ...



  Merci aux camarades qui se sont dévoués pour réaliser cette invitation à un voyage qu'en cette fin d'année nous souhaitons tous très proche !



signé : un Ex... posant

Sources : "Reflets" n° 45 de janvier/février 1945 pour le texte (collection personnelle). Les photos illustrant l'article proviennent des archives Pascaud.

Les photos et le texte sont sous licence Creative Commons 

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