LE CARNET D'AUGUSTIN
Le clocher de St Rémy |
Il est tout juste revenu de ses deux années d'obligations militaires quand ...
... le 02 septembre 1939, comme tant d'autres Français, il est mobilisé et, dès le 03, il rejoint son régiment : le 18e Bataillon de Chasseurs Alpins (B.C.A.) en garnison à Grasse (Alpes-Maritimes).
Le 19 octobre c'est le départ pour la guerre...
Pendant de longs mois il va combattre l'ennemi en Moselle puis en Alsace où son régiment tient les avants-postes et paie un lourd tribut à cette guerre qui ne fait que commencer : plus de 100 disparus lors d'un bombardement le 13 mai 1940.
C'est à Fays (Vosges), après un dernier repli, que le 18e B.C.A. se rend à l'ennemi le 22 juin 1940.
Le 23 juin les soldats français sont d'abord parqués au stade de Rambervillers (Vosges) puis dirigés vers la caserne du quartier Gibon où ils dorment sur des planches pendant près d'un mois.
Nouveau départ le 19 juillet pour rejoindre Châlons-sur-Marne où 30.000 hommes s'entassent à la caserne.
Avant le départ pour l'Allemagne des centaines de prisonniers sont dispersés pour les travaux des champs et Augustin se retrouve à travailler pendant six semaines à la ferme d'Augustin MATHIEU à Hans, commune située près de Sainte-Ménehould.
Mais, à quoi peut donc t-il penser dans cette ferme française ?
Aux siens et à son Aveyron natal, certainement ! A son devenir et à celui de sa Patrie, c'est plus que probable ! Mais l'ancien petit écolier de St Rémy a-t-il imaginé un seul instant qu'il se trouve en cette fin d'été 40 au coeur même du lieu où s'est déroulée l'une des plus célèbres batailles de France : Valmy (20 septembre 1792) et que c'est au château de Hans que le commandant des forces prussiennes, le duc de Brunswick, avait établi son quartier général...
Le 08 septembre, Augustin quitte sa famille d'agriculteurs et le 09 il embarque à la gare de Ste Ménehould pour une destination inconnue ...
12 septembre 1940, le train s'immobilise en gare d' Hoyerswerda (Saxe - Allemagne). Il est huit heures ! Après quatre kilomètres de marche c'est l'arrivée au camp (stalag IV A à l'époque) où les P.G. sont obligés de monter leur tente avant de pouvoir se reposer.
Le 16, immatriculation et visite médicale et le 21 départ pour le stalag IV C.
C'est à Brüx et sa région (Most aujourd'hui), territoire tchèque annexé par les nazis depuis 1938, qu'Augustin va désormais passer sa captivité.
Dans son petit carnet, Augustin note les faits les plus marquants mais aussi les banalités et ses distractions.
Le carnet d'Augustin |
Il n'est satisfait, en terme d'alimentation, que le 1er décembre puisqu'il mange "un peu de viande"... pour la première fois !
Son travail consiste au déchargement de wagons, à la pose de traverses sur les voies de chemins de fer. Plus tard, il travaillera à la firme Peroutka à Obernitz (Obrnice).
Le 24 décembre 1940 le réveillon des P.G. consiste à la "dégustation" des colis Pétain mais après partage il ne reste que : trois "billes" de chocolat, 13 cigarettes, un petit bout de beurre et de pâté ... "Tout ça nous a fait grand plaisir" note-t-il quand même.
Le menu de Noël est plus que succinct : potage à l'orge, patates bouillies accompagnant un petit bout de viande de porc ; aucun dessert... En soirée, la faim le tenaille, alors il achète 1/4 de "boule" de pain pour 2 marks ! Il note avoir passé un agréable après-midi au spectacle donné par l'orchestre du "grand camp" avec ses 12 musiciens : Hydrierwerk.
Ses plus proches copains d'infortune se nomment : "Guy", BOUSQUET (qui sera blessé le 05 mars 1945 lors d'un bombardement), CINY, DEBAR ou DEBAS, Henri DELEURE, Paul LABARTHE, MOCAER, SICART etc.
Le 31 décembre 1943 il se rend sur la tombe de BEAUFILS (Marius Beaufils mle 7175/IVC, 2ème classe du 7ème Génie - Ndlr), décédé un an plus tôt à l'hôpital de Brüx, laissant une veuve et trois enfants. Le décès de son ami l'a marqué.
De 1941 à 1943, les évasions et tentatives sont nombreuses et à chaque fois le chef de camp est relevé de ses fonctions mais surtout les sorties et loisirs sont supprimés, les repas diminués ; mais il ne se plaint pas et doit être heureux pour ceux qui ont eu la chance de réussir.
Le 12 mai 1944 vers 13h30, les sirènes sonnent l'alerte et 1/4 d'heure plus tard une "grosse" formation bombarde l'usine d'Hydrierwerk. Les dégâts sont importants et beaucoup de P.G. sont tués (la liste des tués de ces bombardements de l'aviation alliée fera l'objet d'un message particulier). Une cérémonie en l'honneur des victimes a lieu le 16 au cimetière de Tschautz (aujourd'hui disparu).
Élie-Jean PASCAUD, homme de confiance du IV C, lors de son discours au cimetière de Tschautz le 16 mai 1944 |
Dimanche 02 juillet, 70 P.G. veulent se rendre à un match de foot mais seule la moitié est autorisée. La réaction des P.G. est immédiate, ils font bloc et ceux retenus refusent de sortir. Pour les Allemands, c'est une révolte. Tous les P.G., dont Augustin, sont alors rassemblés devant des gardes armés, baïonnettes aux canons. La menace est terrible : "J'ai le droit de vous fusiller !" déclare en hurlant le responsable allemand avant ... d'autoriser les 70 prisonniers à se rendre au match.
A compter du 13 juillet, changement de travail mais les risques de se faire tuer sont accrus puisque c'est à l'usine de la firme Fischer que se retrouve Augustin et que les bombardements redoublent : le 20, l'un de ses camarades est tué à 20 m de lui, les baraques sont détruites.
En cette fin d'année 44, tous attendent l'arrivée des Alliés. Alors les P.G. en font de moins en moins et Augustin n'est pas le dernier : trois brouettées de terre remuées dans une journée avec son copain CHEYMOL... C'est dire l'ardeur au travail !
Pas de trêve le jour de Noël, des bombes, encore des bombes...
Et à nouveau le 15 janvier 1945 pendant 40 longues minutes : Hydrierwerk est détruite "à fond" selon les termes d'Augustin qui ajoute "pas de victimes (ou presque) parmi les Français". Par contre le 05 mars le bombardement fait 400 morts dont 13 Français (aucune liste dressée au stalag mais treize sont bien décédés - Ndlr).
Mardi 08 mai c'est la Libération, tant attendue...
Dès 08h30, le groupe d'Augustin quitte Brüx et prend la direction de Komotau sur des routes "noires de monde". Ils arrivent au centre de rassemblement d'Eger le 11 et ne foulent le sol de leur Mère Patrie que le 19 mai 1945.
Près de 6 ans après son départ pour la guerre, Augustin va retrouver les siens ; il est sauf !
Remerciements à André, son fils, pour l'envoi du "carnet d'Augustin" dont sont tirés ces renseignements et les photos et documents transmis.
Photos (1,2,3) collection André Creyssels ; (4) collection privée.
Les photos et documents publiés sont sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0 FR
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