Élie-Jean PASCAUD
dernier homme de confiance principal
Élie-Jean PASCAUD voit le jour le 29 juin 1908 à La Châtre (Indre), ville où son père exerce la profession de cordonnier.
A l'âge adulte, il part vivre à Paris et devient notamment clerc d'huissier.
Le 2 septembre 1939, 1er jour de la mobilisation, il rejoint le 460e Régiment de Pionniers qui se trouve alors sur la Ligne Maginot. Au printemps 40, il combat l'ennemi durant de longs jours. Sa vaillance sera récompensée par la Croix du Combattant.
Le 16 mai 1940, il est fait prisonnier à Givron (Ardennes). Transféré vers l'Allemagne, dans un convoi de plus de soixante-dix wagons à bestiaux, il est immatriculé au IV B sous le n° 34 288 et envoyé, le 24 juin 1940, au kommando de Trebsen/Mulde (IV G).
C'est à Trebsen, sur ordres des Allemands, qu'il cloue au pied de son lit une fiche où il note ses nom, prénom et matricule. Cette fiche est réalisée sur le carton d'un paquet de cigarettes où, sur le recto (ci-contre), on peut encore lire :
Ci-gît, 8 heures par nuit, PASCAUD Élie-Jean, enlevé à l'affection des siens le 16 mai 1940 - K.G.n° 34288 - Priez pour son proche retour à la vie civile. --- collaborationnistes et ...(illisible) suivi des 2 dessins...
Au verso cette mention :
Le dessin représente le désir français tant de fois exprimé "Dans l'dos la balayette (sous entendu) ils l'auront".
L'autre rappelle l'histoire de l'Alsacien auquel un officier allemand avait arraché un poil de sa barbe et lui avait dit "Puisque vous prétendez que les Français peuvent faire tout avec rien, faites donc quelque chose avec ça". Et l'Alsacien quelques instants après lui remit le poil aux extrémités duquel il avait fixé deux boules représentant l'une l'Alsace, l'autre la Lorraine avec la mention : "Vous ne les tenez que par un fil !"
Élie-Jean PASCAUD, en 1941, lors d'une
représentation au cabaret "Chez Prosper"
Muté au stalag IV C en août 1941, il est affecté à Sporitz I (district de Komotau). Dans ce camp, il fait partie de la troupe du cabaret "Chez Prosper" et travaille pour la firme Poldi-Hutte.
Il prend les fonctions d'homme de confiance de son kommando début 42 puis devient le responsable du district en octobre de la même année. Le 19 mai 1943 il est muté pour devenir l'homme de confiance du district de Tetschen. En août, il devient adjoint à l'homme de confiance principal du IV C, André LEFÈVRE, puis le remplace le 9 décembre 1943.
Pour faciliter ses rapports avec les autorités allemandes et lui donner une plus grande autorité, également pour éviter qu'il se retrouve au travail auquel il est normalement astreint - puisque simple soldat -, l'ambassadeur Scapini le nomme rapidement au grade d'adjudant " à titre fictif et sans solde".
Il est toujours en fonction le 8 mai 1945 lorsque le stalag IV C est libéré par les troupes russes. Avec le concours de son équipe il organise et coordonne alors le rapatriement de tous les P.G., Requis du S.T.O., Transformés et Déportés politiques français qui se trouvent stationnés, ou en transit, sur le territoire du IV C. Au milieu de l'été, les membres de "l'équipe Pascaud" ont été, à leur tour, rapatriés. Il ne reste que deux braves : PASCAUD et VERGEREAU et leur mission va encore durer...
Devant la voiture de
la "Mission française"
Il y a en effet beaucoup de retardataires et de nombreux problèmes se posent (notamment le cas de ces femmes enceintes ou ayant eu un enfant d'un P.G. qui sollicitent l'accueil de la France), dans ce territoire désormais sous occupation russe et non encore contrôlé par le nouveau gouvernement du Président Edvard Benes.
L'ordre de mission délivré par les
autorités pour sa fin de séjour
Rapidement au courant de cette situation très spéciale et apparemment satisfaits des résultats jusqu'alors obtenus, du fait même de leur parfaite connaissance du pays et de la sympathie accordée par le peuple tchèque, les services officiels français de Prague (Mission française de rapatriement, Ambassade, Consulat, Sécurité militaire, Attaché militaire) demandèrent aux deux hommes de poursuivre son travail. Bien entendu, ils acceptèrent, pensant que tout allait se terminer très vite. Pour assurer les missions importantes, PASCAUD fut alors promu lieutenant et Charles VERGEREAU, sous-lieutenant.
Les semaines puis les mois passèrent ...
En novembre 45, soit six mois après la fin des hostilités, la mission se termina, enfin. Il restait alors à préparer les caisses d'archives et de documents (à l'exception des documents sans doute compromettants - que les membres de la Kommandantur avaient brûlé dans la nuit du 7 au 8 mai 1945) qu'ils avaient amassé consciencieusement au cours de leurs longs mois de "'rabiot" afin de les expédier au siège de l'Amicale du IV C à Paris.
Le rapatriement des deux hommes fut enfin fixé et, le 22 février 1946, ils prirent place dans un convoi militaire tchèque sans qu'aucune autorité ne vint les saluer et les remercier. Mais il y avait peut-être une raison à cela...
En effet, au lieu des couchettes annoncées et promises pour leur retour en France, ils voyagèrent dans de vulgaires wagons à bestiaux (comme en 40 !), mélangés à de nombreux étrangers.
Ils arrivèrent à Paris, gare de l'Est, dans la nuit du 23 au 24 février, "sales comme des porcs" car en deux jours de voyage ils avaient simplement lavé leur visage avec un peu de neige lors d'un bref arrêt du train.
Les formalités de libération effectuées, PASCAUD arriva enfin chez lui. Il était parti du même endroit le 2 septembre 1939...
Il est important de noter que la mission poursuivie par Élie-Jean PASCAUD et ses camarades fut complètement bénévole. Tous ont refusé toutes les offres de rétributions et de récompenses. Élie-Jean ira même jusqu'à refuser, plus tard, la Légion d'Honneur !
Voici un résumé de sa vie, tel qu'il l'a écrit :
Les tribulations de Jean Lekont-Fierdelaitre
Fils d'un bottier-cordonnier et petit-fils d'un sabotier creusois,
Berrichon d'origine (1908/1922), Parisien d'adoption (1922/1970), St Michelois d'occasion (1971/...), Creusois de cœur.
Connut deux guerres mondiales, fit la seconde, fut embarbelisé pendant cinq ans sous l'appellation contrôlée - ô combien - de "trentecate-mildeuçan-catrevinhuit" (catebé - categé - catecé) - fut placé sous le signe cabalistique "ahop fortra osmare".
Parti timidement, contraint et forcé pour "la grande aventure" le 1er septembre 1939, réintégra discrètement ses pénates, en catimini, fauché et sans situation, le 24 février 1946, date à partir de laquelle il devint - fatal et curieux destin - "prisonnier de sa captivité", affection envahissante dont il ne devait jamais guérir, mais qui - en dehors des périodes de manque - comme tout vice incurable, lui donna, quelques mystérieuses et platoniques satisfactions que lui seul put apprécier et savourer en connaissance.
À son retour, Élie-Jean PASCAUD va reprendre ses activités et continuer à habiter rue du Cloître-Notre-Dame à Paris. Conjointement, il assure la présidence de l'Amicale du IV C durant plusieurs décennies...
Admis à la retraite il s'installe à St Michel-sur-Orge (91240) et c'est durant l'été 2003 qu'il s'éteint à l'âge de 95 ans.
Respect, Monsieur PASCAUD !
Texte rédigé d'après les archives d'Élie-Jean PASCAUD.
Documents : collection Pascaud
Élie-Jean PASCAUD
dernier homme de confiance principal
Élie-Jean PASCAUD voit le jour le 29 juin 1908 à La Châtre (Indre), ville où son père exerce la profession de cordonnier.
A l'âge adulte, il part vivre à Paris et devient notamment clerc d'huissier.
Le 2 septembre 1939, 1er jour de la mobilisation, il rejoint le 460e Régiment de Pionniers qui se trouve alors sur la Ligne Maginot. Au printemps 40, il combat l'ennemi durant de longs jours. Sa vaillance sera récompensée par la Croix du Combattant.
Le 16 mai 1940, il est fait prisonnier à Givron (Ardennes). Transféré vers l'Allemagne, dans un convoi de plus de soixante-dix wagons à bestiaux, il est immatriculé au IV B sous le n° 34 288 et envoyé, le 24 juin 1940, au kommando de Trebsen/Mulde (IV G).
C'est à Trebsen, sur ordres des Allemands, qu'il cloue au pied de son lit une fiche où il note ses nom, prénom et matricule. Cette fiche est réalisée sur le carton d'un paquet de cigarettes où, sur le recto (ci-contre), on peut encore lire :
Ci-gît, 8 heures par nuit, PASCAUD Élie-Jean, enlevé à l'affection des siens le 16 mai 1940 - K.G.n° 34288 - Priez pour son proche retour à la vie civile. --- collaborationnistes et ...(illisible) suivi des 2 dessins...
Au verso cette mention :
Le dessin représente le désir français tant de fois exprimé "Dans l'dos la balayette (sous entendu) ils l'auront".
L'autre rappelle l'histoire de l'Alsacien auquel un officier allemand avait arraché un poil de sa barbe et lui avait dit "Puisque vous prétendez que les Français peuvent faire tout avec rien, faites donc quelque chose avec ça". Et l'Alsacien quelques instants après lui remit le poil aux extrémités duquel il avait fixé deux boules représentant l'une l'Alsace, l'autre la Lorraine avec la mention : "Vous ne les tenez que par un fil !"
Élie-Jean PASCAUD, en 1941, lors d'une représentation au cabaret "Chez Prosper" |
Muté au stalag IV C en août 1941, il est affecté à Sporitz I (district de Komotau). Dans ce camp, il fait partie de la troupe du cabaret "Chez Prosper" et travaille pour la firme Poldi-Hutte.
Il prend les fonctions d'homme de confiance de son kommando début 42 puis devient le responsable du district en octobre de la même année. Le 19 mai 1943 il est muté pour devenir l'homme de confiance du district de Tetschen. En août, il devient adjoint à l'homme de confiance principal du IV C, André LEFÈVRE, puis le remplace le 9 décembre 1943.
Pour faciliter ses rapports avec les autorités allemandes et lui donner une plus grande autorité, également pour éviter qu'il se retrouve au travail auquel il est normalement astreint - puisque simple soldat -, l'ambassadeur Scapini le nomme rapidement au grade d'adjudant " à titre fictif et sans solde".
Il est toujours en fonction le 8 mai 1945 lorsque le stalag IV C est libéré par les troupes russes. Avec le concours de son équipe il organise et coordonne alors le rapatriement de tous les P.G., Requis du S.T.O., Transformés et Déportés politiques français qui se trouvent stationnés, ou en transit, sur le territoire du IV C. Au milieu de l'été, les membres de "l'équipe Pascaud" ont été, à leur tour, rapatriés. Il ne reste que deux braves : PASCAUD et VERGEREAU et leur mission va encore durer...
Devant la voiture de la "Mission française" |
Il y a en effet beaucoup de retardataires et de nombreux problèmes se posent (notamment le cas de ces femmes enceintes ou ayant eu un enfant d'un P.G. qui sollicitent l'accueil de la France), dans ce territoire désormais sous occupation russe et non encore contrôlé par le nouveau gouvernement du Président Edvard Benes.
L'ordre de mission délivré par les autorités pour sa fin de séjour |
Rapidement au courant de cette situation très spéciale et apparemment satisfaits des résultats jusqu'alors obtenus, du fait même de leur parfaite connaissance du pays et de la sympathie accordée par le peuple tchèque, les services officiels français de Prague (Mission française de rapatriement, Ambassade, Consulat, Sécurité militaire, Attaché militaire) demandèrent aux deux hommes de poursuivre son travail. Bien entendu, ils acceptèrent, pensant que tout allait se terminer très vite. Pour assurer les missions importantes, PASCAUD fut alors promu lieutenant et Charles VERGEREAU, sous-lieutenant.
Les semaines puis les mois passèrent ...
En novembre 45, soit six mois après la fin des hostilités, la mission se termina, enfin. Il restait alors à préparer les caisses d'archives et de documents (à l'exception des documents sans doute compromettants - que les membres de la Kommandantur avaient brûlé dans la nuit du 7 au 8 mai 1945) qu'ils avaient amassé consciencieusement au cours de leurs longs mois de "'rabiot" afin de les expédier au siège de l'Amicale du IV C à Paris.
Le rapatriement des deux hommes fut enfin fixé et, le 22 février 1946, ils prirent place dans un convoi militaire tchèque sans qu'aucune autorité ne vint les saluer et les remercier. Mais il y avait peut-être une raison à cela...
En effet, au lieu des couchettes annoncées et promises pour leur retour en France, ils voyagèrent dans de vulgaires wagons à bestiaux (comme en 40 !), mélangés à de nombreux étrangers.
Ils arrivèrent à Paris, gare de l'Est, dans la nuit du 23 au 24 février, "sales comme des porcs" car en deux jours de voyage ils avaient simplement lavé leur visage avec un peu de neige lors d'un bref arrêt du train.
Les formalités de libération effectuées, PASCAUD arriva enfin chez lui. Il était parti du même endroit le 2 septembre 1939...
Il est important de noter que la mission poursuivie par Élie-Jean PASCAUD et ses camarades fut complètement bénévole. Tous ont refusé toutes les offres de rétributions et de récompenses. Élie-Jean ira même jusqu'à refuser, plus tard, la Légion d'Honneur !
Voici un résumé de sa vie, tel qu'il l'a écrit :
Les tribulations de Jean Lekont-Fierdelaitre
Fils d'un bottier-cordonnier et petit-fils d'un sabotier creusois,
Berrichon d'origine (1908/1922), Parisien d'adoption (1922/1970), St Michelois d'occasion (1971/...), Creusois de cœur.
Connut deux guerres mondiales, fit la seconde, fut embarbelisé pendant cinq ans sous l'appellation contrôlée - ô combien - de "trentecate-mildeuçan-catrevinhuit" (catebé - categé - catecé) - fut placé sous le signe cabalistique "ahop fortra osmare".
Parti timidement, contraint et forcé pour "la grande aventure" le 1er septembre 1939, réintégra discrètement ses pénates, en catimini, fauché et sans situation, le 24 février 1946, date à partir de laquelle il devint - fatal et curieux destin - "prisonnier de sa captivité", affection envahissante dont il ne devait jamais guérir, mais qui - en dehors des périodes de manque - comme tout vice incurable, lui donna, quelques mystérieuses et platoniques satisfactions que lui seul put apprécier et savourer en connaissance.
À son retour, Élie-Jean PASCAUD va reprendre ses activités et continuer à habiter rue du Cloître-Notre-Dame à Paris. Conjointement, il assure la présidence de l'Amicale du IV C durant plusieurs décennies...
Admis à la retraite il s'installe à St Michel-sur-Orge (91240) et c'est durant l'été 2003 qu'il s'éteint à l'âge de 95 ans.
Respect, Monsieur PASCAUD !
Texte rédigé d'après les archives d'Élie-Jean PASCAUD.
Documents : collection Pascaud
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