03 décembre 2010

Réunion des hommes de confiance du 26 juin 1943

Le  26 juin 1943 une réunion des hommes de confiance français du district de Teplitz se tient au camp de Wistritz en la présence de J.E. FRIEDRICH délégué du CICR .
Voici le compte-rendu (Mémorial de Caen avec le concours de Nathalie C.) retranscrit intégralement :

--- Une quarantaine d'hommes de confiance, représentant environ 2000 prisonniers français de la région de Teplitz, Wistritz et des villages environnants, assistaient à cette réunion. Ces hommes  de confiance nous ont donné des détails concernant la vie des prisonniers de leurs détachements. Leurs remarques ont ensuite fait l'objet d'une discussion avec les autorité du stalag, au cours de laquelle la majorité des questions ont pu être résolues.

Logement -
- Il s'agit pour la plupart de détachements industriels ou municipaux, réunissant des prisonniers occupés aux services des municiaplités ou de particuliers. Les logements sont en général satisfaisants. A la Anserstrasse à Teplitz cependant, les conditions hygiéniques laissent à désirer ; on compte 100 hommes par chambre ; la vermine abonde et le nombre des lavabos est insuffisant. La fermeture des locaux la nuit ne permet pas aux prisonniers d'utiliser les latrines remplacées dans la plupart des cas par un simple seau, sans cuvette ; à bien des endroits les prisonniers doivent uriner par la fenêtre.

Alimentation -
- Rien de spécial à signaler à cet égard.

Habillement -
- L'état des vêtements est partout déplorable ; on a retiré les chaussures des prisonniers qui en possédaient encore ; ces souliers auraient été remis à des prisonniers faisant des travaux dangereux. Tous les prisonniers portent des sabots à semelles de bois non articulés.

- On procède actuellement ça et là à la distribution de pantalons gris clair, en un ersatz de textile, qui n'ont rien de militaire. La moitié à peu près des prisonniers dont le travail est salissant reçoivent des tenues de travail de leurs employeurs.

Envois collectifs -
- Tout fonctionne normalement dans ce domaine. Les hommes de confiance gèrent librement ces envois. On s'étonne cependant que des chaussettes, provenant manifestement d'envois collectifs (elles portent encore à l'intérieur une marque d'origine), soient .... sur les cartes d'habillement, comme s'il s'agissait d'effets appartenant à la puissance détentrice.

- On se plaint généralement de ce que les cartes d'habillement soient mal tenues, avec des inscriptions au crayon, et corrigées sans que les prisonniers en soient témoins.

Hygiène et soins médicaux -
- Quelques remarques au sujet de l'hygiène ont déjà été faites au début de ce rapport. On signale que, d'une manière générale, l'eau manque dans la région de Teplitz. Les prisonniers ne peuvent se rendre dans un établissement de bains que tous les 15 jours ; comme plus de 100 prisonniers à la fois l'utilisent, les derniers venus n'ont que des douches froides.

- Beaucoup de prisonniers rencontrent des difficultés pour se rendre à la consultation médicale qui, à bien des endroits n'a lieu qu'une fois par semaine. Les chefs de détachements allemands opposeraient souvent à ce que les prisonniers s'y rendent. Ils décident eux-mêmes si un prisonnier doit consulter le médecin ou non ; ils utilisent pour cela un thermomètre ; un prisonnier de guerre n'ayant pas de température n'est pas considéré comme malade. Au détachement de Kosten, la visite n'a lieu qu'une fois par semaine, le mercredi ; si un homme tombe malade le jeudi et est incapable de travailler, il restera 5 jours sans voir le médecin et pour chaque absence au travail, on lui fait une retenue de RM 1.20 pour la nourriture et le logement. Des hommes ont été punis après avoir insisté pour se rendre à la visite médicale ; la punition a même été maintenue après qu'ils aient été reconnus malades.

Travail et solde -
- Les hommes travaillent en moyenne 10h. 1/2 à 12 h. par jour ; presque partout les dimanches sont jours de congé. On nous signale cependant un détachement, Settenz II/351, où 44 prisonniers français travaillent dans un mine 1h. 1/2 de plus par jour que le personnel civil ; ils sont généralement astreints au travail tous les dimanches matin alors que le personnel allemand a congé. Dans un autre détachement de travail à Kalkhofen 166 A/122, 19 prisonniers français travaillent comme forestiers et se plaignent de ce que l'entreprise ne leur verse leur salaire qu'avec 4 à 5 mois de retard.

Discipline -
- Les questions de discipline sont très discutées ; en effet depuis deux mois, à la suite de quelques évasions, et, comme nous l'apprend la "kommandantur", de deux cas où les sentinelles auraient été battues par les prisonniers, la discipline est devenue beaucoup plus sévère. Les hommes sont enfermés dans leur cantonnement dès qu'ils rentrent du travail. Le dimanche, 10% seulement des prisonniers peuvent sortir du cantonnement dans un rayon déterminé sans être accompagnés, alors que les autres n'ont droit qu'à une sortie de 2 h. par groupe sous la garde d'une sentinelle. Inutile de dire que la majorité des prisonniers ne tient pas à profiter de la possibilité de se promener en groupe le dimanche, étant donné que, d'une part, ils sont entièrement libres pour se rendre au travail pendant la semaine et que, d'autre part, certaines sentinelles profitent de cette sortie de dimanche pour leur faire faire des exercices de marche militaire.

- Plusieurs prisonniers ont été maltraités par des sentinelles ; au détachement Eschwald II (fabrique de fibres de bois), dans un détachement de mine à Maltheuern, au détachement de Settenz I/349.

- D'une façon générale, les punitions collectives paraissent être souvent appliquées ; les hommes de confiance nous déclarent que lorsqu'ils ont protesté contre ces punitions collectives en se basant sur la Convention de Genève, ont leur a répondu que c'était l'usage de procéder ainsi dans l'armée allemande.

Courrier -
- La distribution du courrier se fait une fois par semaine, en règle générale, et deux fois par semaine pour les détachements importants. De la sorte, une lettre qui arrive au camp un lundi n'est pas encore censurée lors de la distribution du mercredi suivant ; ainsi elle est distribuée avec 12 jours de retard. La censure des livres dure environ 2 mois 1/2. En revanche, tous les prisonniers sont satisfaits de la parfaite organisation du service des colis, qui arrivent très rapidement et régulièrement avec des pertes minimes. Pour les Belges, les lettres mettent un peu plus de temps à parvenir à destination que pour les Français.


--- La discussion avec les hommes de confiance fut suivie d'un entretien avec les autorités du stalag, qui montrèrent beaucoup de compréhension pour nos requêtes et qui nous donnèrent l'assurance que la plupart des réclamations formulées seraient étudiées avec bienveillance et les mesures nécessaires prises là où elles s'imposaient.

Conclusion -
- Depuis tout récemment la discipline est appliquée beaucoup plus sévèrement dans les détachements de prisonniers français ; en outre, l'état des vêtements est mauvais. Ces deux faits contribuent à démoraliser les prisonniers. Le transfert des prisonniers dans les rangs des travailleurs civils (environ 20% dans la région de Teplitz) sur la moitié duquel, personne ne paraît être très exactement informé crée également une certaine inquiétude parmi les prisonniers.

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